La Fortune des Sans Avoir (roman)

L'an 1040, quelque part en Bourgogne.

Asservis à la rude existence de paysans à la solde des religieux, les Sans Avoir portent bien leur nom. Geofroy, adolescent naïf et rustre, découvre avec un étonnement mêlé d'effroi les idées révolutionnaires de son oncle, Helmold le Courbe, qui ose remettre en question l'existence de Dieu et avancer l'hypothèse que la Terre ne serait pas le centre de l'Univers. Heurté par l'injustice et l'obscurantisme, Geofroy accomplit seul un périple éprouvant qui deviendra une découverte de la vie et un apprentissage de la tolérance.

Une vingtaine d'années plus tard, on retrouve les enfants de Geofroy Sans Avoir. Mathilde, jeune femme candide, prend connaissance des écrits de son père, voyageur insatiable. Elle aussi - comme son père jadis - s'étonne, s'émeut, se révolte, croit comprendre. Grâce à une nonne défroquée et bannie par tous, Mathilde apprend à refuser l'oppression et à accepter l'amour, dans son sens le plus large.

Seigneurs, voleurs de grand chemin, saltimbanques, bourreaux, moines, nobles désargentés, manants, puissants et humbles foisonnent dans ce roman picaresque et touffu qui, malgré son côté sombre et parfois même tragique, laisse toujours deviner une lueur d'espoir en un monde meilleur.

"La Fortune des Sans Avoir" - La Renaissance du livre 2004 - Le Grand Miroir 2005

Prix de la Bibliothèque centrale du Hainaut 2005

Prix quinquennal du roman historique Alex Pasquier 2009

http://www.francoisepirart.be/biblio_roman_la_fortune.html

Fiche

Visuel
Année
2004
Édition
Le Grand Miroir 2005

Extrait

Dans la forêt, Helmold rencontrait parfois celle qu’on nommait la Marlotte, une vieille qui soignait le mal par les plantes. Elle parlait toute seule et marchait le nez au sol, à l’affût des herbes qui guérissent. Malgré leur méfiance, les gens de Saint-Vairant faisaient appel à elle quand un des leurs était souffrant. La besace pleine de barbe de bouc et d’herbe à fièvre, elle entrait alors dans la masure en faisant de grands gestes et en prononçant des incantations. Personne ne connaissait son vrai nom ; elle faisait partie de Saint-Vairant comme la chapelle, le cimetière ou le puits c’est-à-dire depuis toujours.

Il arrivait qu’Helmold aille chercher son neveu chez Mathieu, le bourrelier. Ils faisaient le chemin ensemble et Helmold racontait ses voyages. Il avait lu des livres, ce qui faisait l’admiration de Geofroy. Mathilde et Louis ne savaient ni lire ni écrire, encore moins leurs enfants.

Un jour qu’ils marchaient côte à côte, Geofroy, accordant son pas à celui d’Helmold, plus lent, s’enhardit :

- Oncle Helmold ?

- Oui, neveu ?

- Je voudrais vous demander...

- Quoi donc, neveu ? Parle !

- J’aimerais que vous m’appreniez à lire et à écrire aussi...

- Ha ! Ha ! rugit Helmold.

Geofroy eut un silence embarrassé.

- Donc, tu voudrais devenir savant, neveu ? continua Helmold. Et peut-on savoir pourquoi ?

- Je voudrais être capable d’écrire mon nom, et puis de lire...

- De lire quoi ? Le latin ?

- Je ne sais pas, répondit Geofroy décontenancé.

- Tu ne sais pas ! Mais pourquoi pas, après tout..., fit Helmold pensivement.

- Je voudrais pouvoir lire et écrire comme les moines.

- Tu veux devenir moine ? Tu es donc si pieux, neveu ?

- Mère dit qu’il faut être bon chrétien et servir Dieu du mieux qu’on peut.

- Mère dit que..., singea Helmold. Apprends, neveu, que Dieu n’existe pas.

- Si, Il existe, fit Geofroy.

- Prouve-le-moi.

- Je sais qu’Il existe, répéta le garçon, les yeux rivés au sol.

Il se sentait mal à l’aise. Le Créateur existait bien, n’est-ce pas ? Et le paradis et les saints aussi, personne ne pouvait prétendre le contraire ! Même l’oncle qui avait tant voyagé...

- Un jour, commença Helmold, j’ai entendu un religieux dire que, dans sa perfection, Dieu était si grand qu’Il ne pouvait ne pas être. On ne pouvait donc concevoir qu’Il ne soit pas car Son existence était évidente par Elle-même. Cela m’a semblé un étrange raisonnement. Je n’ai pu le comprendre.