Bjorn aux enfers IV
La reine bleue
Fiche
- Visuel
- Année
- 2008
Extrait
2 UN PLAFOND D’ETOILES Nos vêtements et nos bagages avaient été rongés par les mites. Nos cordes également, mais il en restait plusieurs bouts intacts, sauvés par une immersion dans l’eau salée. Svartog les assembla et obtint une longe de trois mètres. Il l’attacha à la chaîne coupée du sac en fer. Nous pourrions ainsi tirer ce dernier jusqu’à la mer, tout en restant à distance de son aura nocive. Ketill transportait avec lui un bagage en cuir pourvu d’une quantité de poches, de compartiments, sans compter les doubles fonds et autres recoins secrets. Ce sac, qui faisait la fierté de notre ami, avait été presque entièrement réduit en poudre. Son contenu reposait à présent sur le sel, en un tas agressif, hérissé de pointes et de lames diverses. La plupart des objets étaient, à première vue, d’une criante inutilité dans un voyage tel que le nôtre ; d’autres paraissaient bien choisis. Mais il faut reconnaître que le manque d’intérêt d’un ustensile est chose discutable. Ce sont les circonstances qui décident, en fait. Ainsi, le galurvol, chapeau à cornes porté lors de la Saint-Magnus, servit de protection à Ketill contre les poux géants de la galerie velue, comme le lecteur s’en souvient. Ainsi, une pince à bois en bec d’ibis se révéla utile, et même précieuse, lors de l’accouchement d’une biche naine à rayures, mère du faon Ozurr. Je pourrais multiplier les exemples. - Tu es triste d’abandonner tes trésors ? demanda Sigrid à Ketill. Tu les retrouveras au retour. - Je ne crois pas que je repasserai par ici. Une intuition. Ketill le Rouge s’accroupit. Il prit une petite vierge en ivoire, l’embrassa avant de la remettre en place. Il éprouva le tranchant d’un couteau, flatta le galbe d’un vase en argent... - Un seul. J’emporterai un seul et unique souvenir, oui. Et ce sera celui-là ! dit-il en extirpant sa flûte double-bec. - Puis-je prendre cette grosse flûte arlandaise ? demanda Svartog. - Tu veux que nous formions un duo, le soir ? - Depuis quand joues-tu de la flûte, Svartog ? s’étonna Sigrid. - Il ne s’agit pas de musique, dit le demi-hirogwar. Je veux ouvrir cet instrument et y introduire mes flacons petchégols. Ce sera parfait pour les transporter. - Un carquois à bouteilles, comprit Ketill. Voilà qui est bien pensé. Les flacons contenaient différentes potions et pommades, dont un baume guérissant les brûlures. Nous en couvrions la plante de nos pieds nus (nos chaussures avaient nourri les mites) afin d’éviter la morsure du sel. - Je ne serai pas fâché de quitter ces lieux, annonça Ketill. Ses genoux craquèrent quant il se mit debout. La main en visière, il se tourna vers le sud pour considérer la succession monotone des dunes blanches. - Nous approchons du dénouement, mes enfants. Je donnerais cher pour connaître la fin de l’aventure. Souvenez-vous des paroles d’Ama : « Deux des quatre périront ». Si c’est vrai, deux d’entre nous sont tout près de se faire trucider d’une manière ou d’une autre. Je n’ai pas peur, non. Pourtant... je sens une petite gêne au creux de mon ventre. Comme un début de nausée.