Plèvres

Publié le  14.03.2019

Elle ne peut toujours pas dire « corps » sans expirer une grande bouffée d'air. C'est le mot le plus mortel qui soit. Elle ne peut alors, pour le rendre plein, que soulever le voile du palais – et c'est le même mouvement, dit-elle, pour dire le désir.

Pourquoi le dire ?

Elle ne peut toujours pas décliner son identité sans la rappeler à sa propre extinction : comme la voix, « soi » est le lieu de la faillite. Elle ne peut alors, pour lui donner consistance, que tendre la voix au-dedans.

Pourquoi la décliner ?

Gorge, ventre, col de l'utérus – lieux du soulèvement      souverain – irrigués de sucs, de fugues et d’onguents. Lieux d’inspirs et d’appuis d’où part l’élan, l’insurrection du son qui se fait lance, assaut, pur-sang.

Sa voix est une croûte d’affects, une membrane vivante, un voisement vascularisé, l’hymen mille fois déchiré, une page d’où toujours se reconstruire une virginité plus pure qu’avant. Sa voix est une mise à nu, tendue de voiles, et sans cesse 

répudiée.

Pourquoi la publier ?

*

Corps, désir, voix – à tresser, à dialyser, à désincarcérer. Pourquoi les dire, les décliner, les publier ? Qui en veut ? Qui en voudra ? Pourquoi ?

Rien ne lui appartient en propre, ni corps ni désir ni voix, sauf peut-être une manière qu’elle aura de chercher à s’articuler. De devenir lèvres, devenir plèvres. Des manières de brasser du vent, de jouer. Elle demande à voir.

À chaque tresse, dialyse, désincarcération, tout reste à éprouver – car tout est, au final ou au commencement, impersonnel.

Et le corps, et le désir, et la voix.

 

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