Les pirates de l'information
Le paysage informationnel a changé fondamentalement avec le passage de la révolution néolibérale des années 80. La financiarisation de l’économie a exacerbé la recherche d’un profit le plus élevé et le plus rapide possible. Les avancées technologiques dans les TIC (Technologies d’Information et de Communication) furent extraordinaires tant en ce qui concerne la production d’informations que son accessibilité et son traitement. L’affaiblissement des régulations de ces 30 dernières années a permis à une poignée d’entreprises de construire des empires médiatiques qui dominent les secteurs de l’information et de la communication. Leur industrie forme une formidable et gigantesque « machine informationnelle » pour fabriquer du consentement, le consentement à consommer et l’adhésion à l’idéologie du marché. De plus les Gafa exploitent nos données privées et nos comportements pour mieux nous manipuler. Big Brother est devenu une réalité. Nous devons réagir en renforçant drastiquement la protection de notre vie privée et en re-contextualisant l'information pour qu'elle retrouve du sens.
Fiche
- Année
- 2018
Extrait
Certes, de tout temps la puissance publique a cherché à tout connaître de ses administrés, à trier et restreindre les informations qu’elle leur communiquait et à les faire adhérer à ses projets. La manipulation, le conditionnement sont des tentations puissantes, inhérentes à l’exercice du pouvoir. Les acteurs économiques doivent, eux, sous peine de mort, faire consommer, des biens et services produits en quantité et en diversité continuellement croissantes. Il est vital de se différencier de la concurrence, de faire connaître ses produits et captiver le consommateur. Marketing politique et économique ont fini par marcher main dans la main.
Jusqu’il y a peu, ils se servaient de données démographiques (composition du ménage, études faites, adresse, type de voiture, vacances, appareils électroménagers…) pour cibler leurs publics. On est entré maintenant dans une tout autre dimension : l’utilisation de données psychographiques. Il s’agit d’adresser des messages adaptés à la personnalité des personnes et groupes auxquels ils s’adressent pour les conforter au plus profond d’eux-mêmes et entraîner leur adhésion à un produit, un service, un homme ou une femme politique ou à un parti. Grâce aux traces que nous laissons dans le cybermonde, nos comportements, notre individualité sont décortiqués, analysés sous tous leurs aspects, et souvent à notre insu.
Big Brother a quitté le domaine de la science-fiction. La possibilité d’un contrôle social absolu effectué en manipulant et déformant nos « grappes informationnelles » devient une réalité. Elle est d’autant plus terrible qu’elle n’est plus l’apanage du Prince, mais qu’elle est aussi partagée par des entreprises privées dont un bon nombre sont plus puissantes que bien des États. Leurs lobbies en manœuvrent les rouages pour satisfaire leurs intérêts1.
Si nous voulons sauver notre vie privée, mettre un terme aux conditionnements dont nous sommes les victimes, parfois consentantes, et sortir d’un modèle sociétal qui nous mène au désastre, il est grand temps d’agir : nettoyer les océans informationnels de leurs pirates, stopper Big Brother dans sa marche insidieuse, démanteler la machine à fabriquer du consentement et déconstruire le consumérisme comme base de participation à la société.