La reine B

Texte paru dans le numéro 5 de la revue Boustro

Fiche

Année
2017

Extrait

 

Toi et moi, Beyonce, on est nés le même jour.

 

Toi et moi. Touchant, ce petit cadeau que je me fais de nous placer côte à côte, seulement séparés par ce petit « et » qu’on pourrait balayer d’un revers de main pour se retrouver soudain syntaxiquement juxtaposés, collés-collés. Ce rapprochement inattendu, cette symétrie soudaine semble sortir de nulle part. Lui ? Le même âge que Beyonce ? Impossible ! Qu’est-ce qu’il raconte encore ?

 

Toi toute en grâce, en puissance, en courbes minutieusement dessinées : cuisses galbées, ventre musclé et fesses rebondies. Toi toute en scintillements : regard étincelant, lèvres soigneusement glossées, dents impeccablement brillantes. Moi plutôt grisonnant déjà bedonnant, peau flasque et grise, joues pendantes, amorce de double menton, fringues trop larges déconnectées des tendances vestimentaires du temps, coiffure approximative, dentition qui laisse à désirer, dos voûté, mauvais maintien sans doute conséquence d’un intérêt excessif porté aux livres. Le même âge que Beyoncé ? Impossible.

 

Mais bon, les dates son là, les chiffres sont éloquents. Et nous voilà, unis par les liens du calendrier, et couchés sur le même papier. Le mot n’est pas trop fort, je nous ai couchés sur le papier, je nous ai allongés côte à côte comme ça. A quelques millimètres l’un de l’autre. Et si j’ai pu me le permettre, c’est grâce à cette coïncidence inimaginable. Inimaginable parce que beaucoup considèrent sans doute que la seule image sur laquelle nous pourrions figurer côte à côte, ce serait un cliché pris dans le cadre d’un acte de bienfaisance où on voit quelque star posant à côté d’un cancéreux ou d’un clochard qui bénéficie de l’appui de sa fondation.