Quartier show
Article pour le magazine Sirop au sujet de la cité de Droixhe.
Fiche
- Année
- 2022
Extrait
Les Liégeois·es voient en Droixhe leur Bronx. Et ils ne sont pas les seuls. Google aussi. « fusillade », « mort », « dangereux », « fait divers », voici les quatre mots clés qu’il me propose spontanément, à peine ai-je fini de pianoter les sept lettres de cet étrange toponyme (on y reviendra). Au rayon presse, ce n’est pas tellement plus réjouissant. Dernière news en date, voici quelques mois, l’agression d’un groupe d’étudiants survenue aux abords du Chapi nouvellement installé dans le quartier.
Pourtant, la première fois que je débarque à Droixhe, un dimanche glacial de janvier, j’ai beau serrer fermement contre moi mon nouveau tote bag Carhartt négocié pied à pied sur Vinted, je ne croise aucune bande de jeunes menaçants qui fument des joints, aucune horde d’enfants déguenillés qui font fièrement caca par terre. Même pas un regard hostile.
Cité radieuse
Revenons d’abord un peu beaucoup en arrière. Au sortir de la seconde guerre mondiale, la Belgique, comme tous les pays dévastés par le conflit, souffre d’une pénurie de logements. Il faut construire vite et beaucoup. L’État lance donc en 1950 un concours pour aménager un vaste terrain vierge situé en périphérie liégeoise : la plaine de Droixhe. Les travaux débutent en 1954 et, comme souvent, se révèlent plus compliqués, longs et pénibles que prévu. Pour faire simple, en 20 ans 19 tours de dimensions variées (entre 5 et 28 étages) sortent de terre. Elles forment un grand ensemble, une cité articulée de part et d’autre autour d’un vaste parc. Dès sa création, le projet est salué pour son côté avant-gardiste.
Pourquoi au juste ? Comme je n’y connais rien, je me tourne vers Justine Gloesener, architecte et chercheuse à L’ULiège qui travaille justement sur Droixhe dans le cadre de sa thèse. Elle m’éclaire : « Le projet qui a remporté le concours, imaginé par le bureau liégeois EGAU, s’inspirait des théories architecturales les plus en vue, notamment celles du Corbusier et de la Charte d’Athènes. » Vaste programme résumable par Justine pour le néophyte que je suis en quelques maîtres-mots : fonctionnalité, sécurité, hygiène, confort et beauté. Une conception moderniste, centrée sur l’usager : « attention portée sur la luminosité, sur l’orientation, avec notamment des appartements traversants, positionnés par rapport à la course du soleil, chauffage central et électricité (bah oui, ce n’était pas si fréquent), équipements dernier cri, espaces verts en abondance ». L’idée était de bâtir en hauteur pour libérer l’espace au sol, destiné à accueillir des zones vertes communes où les habitants pourraient se rencontrer.