Dehors, il y avait la pluie, tant de pluie que la mer démontée débordait. Comme autant de râles, les vagues se jetaient aux pieds des palmiers pour s’en emparer et les emporter avec elles. Mais les palmiers résistaient et leurs palmes fières protestaient courageusement dans le vent qui les secouait jusqu'à presque les arracher.

Derrière la vitre, elle contemplait le spectacle hypnotique, un manuscrit sur ses genoux, un crayon à la main, une tasse de chocolat chaud posée près d'elle. Voilà cinq jours que la pluie tombait et cinq jours qu'elle lisait et relisait. Prenant des notes, modifiant une virgule, supprimant une phrase. Cela ferait un bon livre, ce recueil d'auteurs sur le thème des mères.

S'y trouvaient réunies toutes sortes de mères : des belles et des moches, des courageuses et des lâches, certaines admirables et d'autres horribles. Mais, leur point commun, à ces mères réelles ou imaginaires, c'est qu'elles avaient grandi dans la tête de ces auteurs.

Et c'était ce qui était fascinant. En fait, voilà, c'était ça, la réalité : les bébés naissent dans les entrailles, mais les mères, elles, naissent quand on les appelle « maman ». Il faut qu'un tout petit humain vous appelle un jour « maman » pour que vous le soyez, ce n'est pas un titre qu'on s'octroie et dont on se vante. C'est un titre qui s'acquiert. Maman, Mamounette, Mamounours. Au prix fort.  On ne naît pas mère, on le devient, pensa-t-elle en riant, paraphrasant Simone de Beauvoir.