Anna Alexis Michel

  • Écrit / Audiovisuel / Spectacle vivant / Multimedia

MÉDITERRANÉE, RIVES ET RÊVES

Je ne sais pas parler de la mer. Tout ce que je sais c'est qu'elle me débarrasse soudain de toutes mes obligations. Chaque fois que je la regarde, je deviens un noyé heureux. 

Romain Gary, "La promesse de l'aube".

Les auteurs de Rencontre des auteurs francophones vous invitent à découvrir leur rive de Méditerranée, celle de leurs racines, de leur enfance, de leur vie, de leurs rêves. Quelle que soit la vôtre – qu'il s'agisse des Calanques de Marseille, de la Corniche de Beyrouth, des plages d'Afrique du Nord, du mythique port d'Alexandrie, ou des petits ports de pêche des îles grecques et d'ailleurs – retrouvez dans ce recueil, grâce aux écrits de nos auteurs, les couleurs, les parfums, les sons, les saveurs et les trésors de celle que les Romains nommèrent Mare Nostrum. Celle que nous chérissons tant. Le goût du sel, la morsure du soleil, la caresse du vent sur la peau. Leurs rives et leurs rêves. Car même lorsque nous sommes loin de ses rives, nos rêves de Méditerranée continuent à danser en nous.

Direction éditoriale : Anna Alexis Michel. 
Direction artistique : Sandra Encaoua Berrih.

Rencontre des Auteurs Francophones, fondée à New York en 2020 par Sandrine Mehrez Kukurudz, regroupe près de 400 auteurs de 50 pays et territoires du monde. C’est une plate-forme qui offre une activité quotidienne aux auteurs et lecteurs. C’est un réseau dynamique, implanté aujourd’hui sur quatre continents et dirigé par des passionnés francophones.
www.RencontreDesAuteursFrancophones.com


Un ouvrage de la collection "Hommage"
© Éditions Rencontre des Auteurs Francophones
États-Unis d’Amérique - 2025

Fiche

Visuel
Images
Année
2025
Édition
Éditions RENCONTRE DES AUTEURS FRANCOPHONES
Co-auteur.trice(s)
LIVRE COLLECTIF

Extrait

« Je suis partie ». Elle lui avait dit pourtant. Mais il n'avait pas écouté. Il avait trouvé un petit bout de papier sur la table de la cuisine avec quelques mots gribouillés en français. Elle était partie. Machinalement, il avait froissé le petit papier dans sa paume. Il avait pleuré, terrassé sous le poids de ces trois petits mots. Trois mots, autant que dans « Je t'aime ». Voilà, la vie tient en trois mots. Trois mots. Les choses importantes vont toujours par trois. « Je suis partie », ces mots qu’on n’ose dire. Ne dit-on pas « Je reviens » quand on part pour que les gens ne s’inquiètent pas ? Là, elle était partie. Pour du vrai. 

Yuri s'était assis, hébété, le petit papier toujours dans la paume crispée de chagrin, seul sur sa chaise face à sa chaise à elle, vide. Désespérément vide. Sur le mur, face à la table de mica rouge, un calendrier goguenard d'une année oubliée le narguait. On y voyait des bateaux qui dansaient dans la baie d'un petit port, au premier plan des gens souriaient, dans le fond, il y avait des collines et des maisons blanches accrochées maladroitement à leur flanc. Une de ces représentations naïves qui décorent les couloirs des pavillons, souvenirs de vacances qu'on affiche pour mieux se pardonner d’avoir eu la lâcheté d'être revenus. 

Voilà, c'était ce qu'évoquait la peinture au centre de ce vieux calendrier. Quand ils avaient emménagé dans ce petit deux pièces à la cuisine exiguë, de l'immeuble à la peinture bleue écaillée, si semblable à des centaines d'autres au centre de Norilsk, il était déjà là, le calendrier. Lindia avait insisté pour qu’ils le gardent. Yuri avait souri, il n'était utile à rien, ce calendrier d'une année antédiluvienne. Mais si ça lui faisait plaisir, à sa petite chérie, ce brin de couleur dans cet univers dépressif de neige et de fumée d'aciérie, grand bien lui fasse, avait pensé Yuri.

Elle était partie. Mais pour aller où ? Il resta là longtemps, géant de sel fondant sous ses pleurs, les yeux fixés sur l'image, les pensées en désordre, jusqu'à ce que les larmes se tarissent. Le calendrier le regardait toujours. Il s'en était approché, avait déchiffré les lettres. Le calendrier ne donnait aucune indication précise. « Méditerranée », énonçait la légende écrite en cyrillique. Et si c’était là qu’elle était partie ?