« L’art au ban de l’école »

Fiche

Année
2003

Extrait

Si l'on considère que l'émancipation et la diversification
des formes artistiques au vingtième siècle se sont
accompagnées d'un rapprochement délibéré entre l'art
et la vie, comment interpréter le décalage manifeste
qui se fait sentir entre le public et l'art qui lui est
contemporain ? Souvent
perplexe
, le spectateur associe
son incompréhension au caractère
conceptuel
de "l'art
qu'on lui présente aujourd'hui". Pour un large public en
effet, l'opacité apparente des "œuvres" contemporaines
empêcherait en fait qu'on puisse y être sensible, elle
mettrait même en cause le caractère d'
œuvre
qui leur est
conféré. On peut également justifier la difficulté de tout un
chacun à
comprendre
l'art actuel en arguant strictement
de l'éclatement des formes plastiques suite aux tournants
artistiques modernes et postmodernes. Pour autant, une
telle explication ne saurait pas convaincre pleinement.
Qui prétendrait en effet à une interprétation aisée de l'art
ancien, sur le fond, du fait même qu'un consensus tacite
existerait sur la forme ?
Dans cette même suite d'idées, on entend également
dire qu'une œuvre d'art ne devrait nécessiter aucune
explication. Le mutisme qui l'entoure serait, si l'on suivait
cette logique, le gage de sa sincérité. L'œuvre, professent
certains, "doit se suffire à elle-même" et ce qu'elle exprime
ne concerne donc que le spectateur et ladite œuvre d'art.
Pas de médiateur, pas d'interlocuteur : juste le sujet d'une
part, et le spectateur d'autre part. Mais cette
opinion
n'est-
elle pas tendancieuse ? A notre avis, elle révèle en tout
cas une forme d'égocentrisme qui suppose une relation
absolument exclusive de l'observateur à l'œuvre. "Mon
expérience ne regarde que moi", entend-on murmurer.