L'arche de Naé

Les souvenirs d'un chien émancipé

Afin de donner un « peu de chien » à mes écrits, j’ai donné la parole à Naé - un petit chien féministe parti dans l’au-delà. Afin de rester en contact avec sa maîtresse et pour mieux comprendre la vie qu’il vient de quitter, il construit une arche de souvenirs au bord de laquelle il fait des aller-retours entre les deux mondes. Car, une fois arrivé dans l’au-delà, Naé est pris en charge par son coach céleste, Madame H - sa maîtresse du ciel, alias Hélisenne de Crenne, écrivaine du XVI-e siècle, pionnière du féminisme. C’est elle qui, par l’ordre du dieu égyptien Thot, l’aide à évoluer dans l’autre monde, pour atteindre l’âme parfaite. C’est toujours elle qui l’informe sur la mission dont il a été investi par Papa Thot : le sauvetage de notre planète menacée d’extinction, suite à la conduite irresponsable de ses habitants.

Fiche

Visuel
Vidéo
Année
2016
Édition
Edilivre

Extrait

Je vagabondais fier de mon tout nouveau costume cosmopolite de plasma ionisé (sans poils), bien attendri par la pluie de météorites qui me cinglaient les oreilles. J’étais désorienté, angoissé, voire effrayé, quand tout à coup je fus avalé par une énorme créature. Elle me ressemblait, en quelque sorte. Avec sa queue touffue et ses agiles oreilles dressées vers le haut, elle pouvait être prise plus pour un chien que pour un renard. Il courait comme un fou, le museau largement ouvert et les yeux écarquillés. 
Je lui ai demandé des comptes : 
— Hé, toi, l’enragé, qui es-tu ? De quel droit m’as-tu volé l’âme ? 
— Quoi ? Tu ne sais pas qui je suis ?! Je suis le renard de Teumessos, le plus rapide de tous les renards de l’univers. Personne ne peut m’attraper. Ha ha ha ! 
— Et comment se fait-il que tu rôdes par ici ? Pourquoi ne cours-tu pas dans la forêt, comme tous les renards qui se respectent ? 
— Ah… C’est une longue histoire. Voici des milliers d’années, Zeus m’a puni pour un crime (une tragique affaire de poules) et m’a envoyé à Thèbes. À l’époque, à la tête de Thèbes était le roi Kréon, un gros mangeur amateur de chasse. Un beau jour, le fou eut envie de me faire la peau et alors il appela Laïlaps. 
— Qui est celui-là ? 
— Laïlaps était le plus grand et le plus fameux chien de chasse de tous les temps. Il avait une sacrée réputation, car il n’avait jamais raté sa proie. À bon chat, bon rat et 
bonjour la traque. Moi, je fuis et je fuis, et lui, court et court après moi. Drôle de paradoxe mythologique… Figure-toi un chien de chasse qui ne rate jamais sa proie, 
courant après un renard qui ne peut jamais être attrapé ! Je m’arrêtais de temps en temps pour qu’il puisse reprendre haleine, tout en lui chantant sous le nez « nia nia nia, tu n’peux pas m’attraper, ha ha ha ! » Et Laïlaps se mettait à aboyer et moi, je riais à mourir, ha ha ha. Et, parce qu’on faisait trop de bruit dans l’univers, Zeus s’est fâché contre nous. Le résultat ? Il nous a transformés tous les deux en constellations. Ainsi, je suis devenu Canis Minor et Laïlaps, Canis Major. Et on s’est réconciliés, comme tu vois… 
Me voici donc dans le ventre du renard, à côté d’un tas de fameux écrivains, peintres célèbres, architectes et autres espèces d’artistes. La dame à qui je parlais tout à l’heure est une femme très chic. Elle s’appelle Hélisenne de Crenne et m’a dit qu’elle n’avait pas d’amis. Il y a presque cinq cents ans, elle avait inventé le roman épistolaire et, suite à ses lettres de scandale empoisonnées, elle ne se fit que des ennemis. Moi et Hélisenne avons fusionné sur le coup, vu que je cherchais une nouvelle maîtresse et elle, un vrai ami. Avec cette dame tout à fait distinguée, j’ai partagé des moments doux comme les os fragiles de perdrix, même magiques, je dirais, comme les petits foies de poulains dodus élevés en plein air, bourrés de grains de maïs bien de 
chez nous.