De l’école sans bancs à l’école sans élèves

Les surprises de l’enseignement missionnaire chez les Asmat

Dans les marais de Papouasie occidentale, la région asmat vit arriver des missionnaires catholiques et protestants dès 1953. La rapidité avec laquelle les missionnaires catholiques construisirent des écoles montre l’importance qu’ils lui accordent : l’école est construite avant l’église. Au cours de la première décennie d’évangélisation, les Croisiers américains s’inspirèrent des méthodes des pères néerlandais du Sacré-Cœur, qui préconisaient d’enlever des enfants asmat à leur famille afin de les éduquer dans un milieu chrétien. Plus tard, certains Croisiers conçurent des théories personnelles concernant l’instruction de leurs ouailles, telles que l’inculcation d’une « discipline sociale » par l’intermédiaire de projets socio-économiques de développement. En leur enseignant la compétition et le commerce au détail, ils les familiarisèrent avec l’économie de marché, bouleversant la société asmat où il est naturel de tout partager et où la course paraît absurde, la norme étant d’arriver tous en même temps. De leur côté, les protestants évangéliques de la TEAM, écartant les femmes de l’enseignement dans un premier temps, mirent l’accent sur l’instruction religieuse et sanitaire. Il en résulta un imbroglio entre les affaires chrétiennes et médicales, ces dernières étant supposées de nature divine. Du côté catholique et protestant, ces efforts paternalistes visant à transmettre aux Asmat un savoir jugé utile pour eux se poursuivirent pendant plusieurs décennies. À présent, la plupart des missionnaires ont regagné leur Amérique natale. On peut s’interroger sur la qualité de la relève en matière d’enseignement et sur la place de la scolarité dans la société. L’enquête de terrain montre qu’après cinquante ans d’évangélisation, la région asmat présente une particularité notable : c’est la région d’Indonésie qui comporte le taux le plus élevé « d’inactifs » selon les critères de l’administration centrale. En 2004, cette situation étonnante justifia l’enquête d’un journaliste de Jakarta. L’école est obligatoire, mais seul un enfant sur dix y est inscrit, ce cela n’implique pas nécessairement qu’il s’y rende. En Indonésie, les fonctionnaires tels que les instituteurs ne sont pas tenus de prester leurs services pour être rémunérés, et comme ils s’ennuient dans le village, beaucoup d’entre eux ont regagné un environnement urbain. Il en résulte que les écoles sont vides, et les écoliers laissés à eux-mêmes dans la jungle.

Fiche

Année
2008
Édition
Autrement