Autrefois il faisait jour jusqu'à minuit

Une femme vient de perdre son père. Elle tente de le raconter, de s’arranger avec sa trop présente absence. D’autres voix se mêlent pour raconter : l’amour, la famille… A partir de cet événement de la mort du père, le texte se veut un hymne à la valeur inestimable de la vie, si dérisoire et si fragile.

Fiche

Année
2010

Extrait

Une femme apparaît sur le plateau et s’adresse aux spectateurs.

La femme
Je ne sais pas si je dois dire « physiquement mon père ressemblait à Jim Harrison. L’écrivain américain » ou si je dois dire que « Jim Harrison ressemble à mon père. »
Evidemment mon père n’a jamais rencontré Jim Harrison. Il n’en a même jamais entendu parler. Même par moi. Je n’allais pas lui dire « Jim Harrison c’est tout ce que j’aime »

La femme, Julia, Le père mort (en choeur)
C’est l’histoire d’un enfant. Moi. Toi. Un enfant très petit. Qui a perdu ses parents. Il les accompagnait à la foire et soudain dans la foule, ils ont disparu. Il s'est inquiété, un peu, beaucoup, mais pas trop parce que quand même des parents ça ne se perd pas comme ça, dans une grande foire sympathique où les gens rient et s'amusent. Les appels dans le micro, ça existe," on demande le petit polisson au poste de police, sa maman l'y attend. "
Mais pas d'appel dans le micro, pas de gentille dame qui s'arrête : " tu as perdu ta maman, petit ?", pas de détour du chemin où on crie "papa!! J'ai eu tellement peur, j'ai cru que je vous avais perdus pour toujours."

La femme
Papa
Tu es mort lundi après-midi et on t’a enterré samedi .Je suis désolée parce que tu ne viendras plus jamais dans ma maison. Tu étais devenu, de plus en plus petit, dégonflé, un sac qui s’est vidé, reste l’enveloppe fripée, plus de chair, de la peau, de l’air, dans le lit d’hôpital, tout fragile.

C’était lundi dernier. Lundi dernier, le monde existait avec toi, aujourd’hui il existe sans toi. Plus rien n’est pareil. Heureusement, j’ai grandi. A trente ans, je disais encore que si tu mourais, je mourrais aussi.