Dix minutes pour écrire
in Enfin seul
Fiche
- Année
- 2002
- Édition
- Lansman
Extrait
Voix d'une femme âgée, la belle-mère de l'écrivaine : Jean, c'est Maman. Jean ? (Il n'est pas là... Il est sûrement allé manger au Quick) Jean ! Je sais que Jane est partie écrire je ne sais où, je ne sais quoi ; une bourse d'écriture, je crois. Viens manger à la maison. J'ai acheté des soles. Je te mijoterai un bon petit plat. Ah ! Et puis j'ai remarqué que tu as besoin de chaussures neuves. Si tu veux, je t'accompagne au magasin. Tu appelles ta vieille maman ? Jane : Et oui ! Il n'y a que les mères qui savent aimer leur fils. Voix d'une jeune femme efficace, la journaliste : Madame Jean Vilain, je suis Armelle Lanoux de la revue Femmes de maintenant. Je prépare un dossier sur la mauvaise conscience des femmes qui concilient vie de famille, profession et littérature. Il s'intitulera L'écriture ou la vie. Je vous faxe une dizaine de questions et j'attends vos réponses... dans trois jours, c'est urgent. Je sais, le délai est bref, mais j'ai déjà essayé de vous joindre : vous n'êtes jamais chez vous. Merci d'avance. Votre témoignage et vos conseils importent à nos lectrices. Jane : Trois jours ! Je les vois d'ici, ses questions. Du style insidieux : "Votre mari, vos enfants ne pâtissent-ils pas de votre activité ?" Demande-t-on à Le Clezio ce qu'en pense sa famille ? "A quelle heure écrivez-vous ?" Bon sang ! Je n'ai pas de recettes moi, pas de conseils à donner, j'essaie de m'en sortir, c'est tout. Toi, tu vas pareille à toi-même par tous les temps ; creusant dans l'obscur ou sous les spots, te protégeant tant bien que mal des oeufs, des pierres et des bouquets. Tu poursuis ton chemin, exposée, mue par une pulsion irrésistible ; tenue en haleine par un travail jamais achevé ; aimantée par le désir d'une parole juste à partager.