Trop lourd pour moi

Si le titre "Illusions perdues" n'était déjà pris par un illustre romancier, il aurait pu servir à l'auteur de "Trop lourd pour moi". Car Jean-Baptiste Taillandier, le protagoniste narrateur de ce récit, perdra une à une les illusions de son enfance. Né au milieu des années 50, il entre dans la vie avec la louable intention d'aider la veuve et l'orphelin. Tenté un temps par la coopération au développement, il devient finalement psychologue en milieu scolaire. Or, la satisfaction n'est au rendez-vous ni dans sa vie professionnelle, ni dans sa vie affective perturbée. Le seul havre de paix est l'enfance, où le plongent ses souvenirs heureux associés la plupart du temps à une mère aimante. Mais les êtres chers s'en vont, et Jean-Baptiste voit son univers rétrécir comme peau de chagrin. D'où la tentation de la fuite. Après avoir cherché dans le bouddhisme un refuge illusoire, il trouvera une retraite dans la solitude consentie, où il tentera de dire ce qui le ronge depuis toujours et qui était, décidément, trop lourd pour lui.

Fiche

Visuel
Année
2014
Édition
Luce Wilquin

Extrait

Les écoles pour filles n’étaient pas loin. Je les voyais passer bras dessus bras dessous, riantes, espiègles, sans profondeur, me semblait-il. J’avais treize ou quatorze ans, elles aussi. Elles étaient immergées dans ce que l’on appelle l’âge ingrat. Marquées d’acné, longues, maigres, les cheveux gras. Je n’exagère pas, c’est ainsi que je les voyais. J’étais un botaniste débutant qui aurait rêvé d’étudier la flore amazonienne et que l’on enverrait en mission au bord de la mer Morte.

Puis, dans ce paysage gris, le soleil se levait, dépliant un arc-en-ciel : la 4L bleu ciel se garait, maman était là, quatre ailes de papillon semées çà et là sur sa robe, son sourire s’excusait de son retard, ses joues rosissaient un peu, ses yeux de turquoise se mouillaient, j’entrais dans la voiture où flottait son parfum de violette, de musc et de lilas. Et j’oubliais toutes les filles.