Derrière le rideau
« Ce qui se passe derrière ce rideau ne vous regarde absolument pas. »
Depuis le décès de sa mère, Éléonore est de retour à Strasbourg où elle rêve beaucoup et rit trop peu. Chaque matin, elle lève les yeux vers ce rideau bordeaux en face du salon de thé où elle travaille. Un jour de septembre, elle y croise le regard effronté d’un client séduisant. Baptiste serait-il la clé qui percera le mystère de ce rideau clos ?
Le jeune homme n’a plus qu’une idée en tête : conquérir la pâtissière. Éléonore, elle, rechigne à s’ouvrir à une nouvelle relation. Pourtant, au fil de leurs rencontres, ils se laissent happer par un tourbillon d’émotions qu’ils pensaient éteintes.
Leur histoire crie le plaisir et révèle le désir, passionnément.
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Née un stylo à la main, à 31 ans, Elodie Christophe sort son premier roman. Ancienne journaliste en presse écrite belge, elle déverse les mots sur son clavier dans une fluidité déroutante. La question n’a jamais été de savoir si elle allait un jour publier un roman, mais quand. Elle vous partage aujourd’hui une histoire parsemée de sensations qui font du bien.
Fiche
- Visuel
- Année
- 2022
Extrait
C'était la dernière. Pour la énième fois de la journée, Éléonore saisit dans sa main le torchon humide qui lui servait à nettoyer les tables du Café Gourmand. Consciencieusement, elle effaçait les traces semées par le passage des clients. Le chiffon à peine posé sur la table, son regard fut attiré par une lumière qui s'allumait de l'autre côté de la rue. Au numéro 26, deuxième étage. Il semblerait qu'il ait entrouvert les rideaux, pour une fois. Ou elle, en fait, elle n’en savait rien. Un oubli ? Un geste volontaire ? Cet éclat lumineux révélant trop brièvement l’intérieur de la pièce dissimulée arrêta Éléonore dans son geste. Profondément ancrée dans sa routine, elle captait chaque détail sortant de l'ordinaire pour laisser vagabonder son imagination. Que se passait-il derrière ce rideau toujours tiré ? Quelques secondes, ou quelques minutes plus tard – elle ne put mesurer le temps que dura sa rêverie –, une main s’empara du voile opaque et réduisit à néant l’interstice à travers lequel entrait la lumière. C'était une main d'homme ! Elle l’aurait juré.
- Éléonore, arrête de rêvasser !
Son patron la rappela gentiment à l'ordre. Elle se reconcentra sur sa tâche et termina de nettoyer la dernière table en un geste rapide et efficace. Il était presque dix-huit heures et André Bertinchamps avait hâte de rentrer chez lui afin d’y retrouver sa femme et ses enfants. Pas Éléonore.
Pendant tout le temps que s’éternisa le trajet en bus, Éléonore avait fixé les gouttelettes de pluie qui dégringolaient sur la vitre, comme hypnotisée. Le bruit de l’eau qui tombait en masse sur la toiture du véhicule couvrait les bavardages diffus des quelques usagers. Elle fut trempée lorsqu’elle atteignit enfin son point d’arrivée – elle avait la fâcheuse habitude de ne pas emporter de parapluie avec elle et sa veste fétiche en cuir couleur camel ne l’abritait pas de la météo pluvieuse. Elle inséra sa clé dans la lourde porte en chêne et donna un petit coup d'épaule pour pouvoir s’introduire dans la maison.
- Je suis rentrée !
Comme si son père ne le savait pas, ou attendait quelqu'un d'autre. Ces derniers mois, ils avaient pris leurs habitudes. Elle accrocha sa veste dans le hall d'entrée et entendit, comme chaque soir, le son de la télévision résonner dans le salon. Son papa devait être encore avachi dans le canapé. Elle jeta un coup d’œil sur sa gauche par l’embrasure de la pièce. Bingo.