Eric Durnez

  • Spectacle vivant / Écrit

La douce-amère

Fanny et Sarah se retrouvent dans leur village natal pour l’enterrement de leur mère. Les deux sœurs se sont perdues de vue depuis de longues années et craignent de n’avoir rien à se dire. Elles font connaissance de Léna, qui a assisté la mère lors de ses derniers moments. Léna, voyageuse et fantasque, un peu mythomane sans doute, recueille les confidences croisées de Fanny et Sarah… Les langues se délient, les émotions remontent… Mais qui est donc cette Léna qui trimbale partout sa contrebasse et semble connaître de vieux secrets de famille que Fanny et Sarah croyaient enfouis à jamais ?

Fiche

Année
2001

Extrait

SCENE 6 Fanny Tiens ! Notre moussaillon du monde… Léna Ta maman savait. Pendant toutes ces années elle a toujours tout su de vous. Elle vous a suivies de loin. Fanny Une vraie détective… Léna Elle savait pour l’alcool, elle savait pour Tony. Fanny Parle pas de ça ! C’était toi l’espionne ? Léna Non. Fanny L’argent, c’était elle ? Léna Oui. Fanny Et toi comment tu sais tout ça toi ? Elle t’a fait ses aveux… Je me suis bien dit que le fric, ça venait d’elle. Mais je ne voulais pas aller vérifier, je ne voulais pas… avoir cette preuve… la preuve d’amour, l’appel lointain… Tout ce bordel de roman à deux sous… Je n’en voulais pas. Je voulais qu’elle soit morte, c’est tout, pas qu’elle meure mais qu’elle soit déjà morte… depuis longtemps… Et pour toujours. Léna Elle est morte. Fanny Je suis beurrée comme une poêle à crêpes, j’ai mal au crâne. Demain peut-être, je ne me souviendrai de rien… Léna Je ne sais pas s’il faut compter là-dessus. Fanny Je cherchais une chanson. Une chanson que Sarah avait inventée… La mélodie ne me revenait plus alors… Je suis allée chercher l’animal. Je suis dure avec lui, c’est pas juste… Il m’a si souvent tiré d’affaire… Quand j’avais plus une tune pour donner de quoi manger à Tony, je partais deux ou trois heures jouer dans la galerie… Un jour y a un vieux type qui m’a filé un billet, j’en n’avais jamais vu de si gros… Léna Ca arrive parfois. Fanny J’ai tout bu. Dix ans de violon, même si on n’aime pas, ça finit pas entrer. J’étais classée douée pour la musique. Musique classique. Une lubie maternelle. Je détestais. Et Sarah qui ne rêvait que de piano, elle était classée danse. Danse classique. Toutes les deux semaines elle se faisait une entorse ou se foulait la cheville. C’était son truc pour échapper aux pointes et aux entrechats. Maman était une femme intelligente mais une mère stupide. Maintenant tu ferais mieux d’aller dormir parce qu’en général quand je suis dans cet état-là, ça se termine par les grandes eaux. Léna Ça ne me dérange pas. Fanny Moi oui. L’humidité c’est mauvais pour mon asthme.