La chambre noire

Un homme, sous une couverture, étendu à terre auprès d'un lit, dans un petit studio. Les murs, la porte, sont tapissés de grosses fleurs aux couleurs criantes. Pas de fenêtre. L'homme se réveille. Il a entre 30 et 40 ans. Ses cheveux sont hirsutes. Une barbe aux reflets roux lui mange le visage. Il semble s'être endormi habillé. Il porte une grosse veste par-dessus un pull usé et sale... « A travers ce texte j’ai cherché à poser la question de la mise à mort sociale, du vécu de cette mort. Et du fait que, bien souvent, l’aide sociale ou individuelle, confirme cette mort, donnant, en fait, le coup de grâce ; la «renaissance » proposée, en effet, n’est jamais qu’une renaissance aux conventions sociales, à l’ordre dominant et à l’ensemble de ses représentations. » (François Clarinval) Ce monologue est paru dans le recueil collectif "Enfin seul", vol. 2, coéd. Lansman/SACD/Théâtre de L'L/CED-WB, Morlanwelz, 2002).

Fiche

Année
2002
Édition
Lansman

Extrait

Putain c'est carré ici Recta Pas un pli Droit comme un flic au carrefour Putain c'est vide aussi Foutre Dieu où j'ai mis les pieds dans mon tremens ? Il y a des hôtesses ici ? Pas d'accueil Service social néant Je vous emmerde Je vous pisse dessus J'ai la peau dure Je suis pas de la tôle ondulée Vos tickets je me torche le cul avec et c'est pas prêt que je vais faire la queue La terre elle appartient pas qu'à vous Pourris des yeux La terreur sur le cœur et la trouille au cul Moi je vous dis comme je pense et c'est pas demain que ça va cesser Le doigt dans l'œil et ma merde au bout Gardez-les vos tickets J'ai de l'avance Je suis mon propre patron Je suis autonome Je mange quand je veux et si je veux pas manger je me couche et comme ça j'ai tout le temps devant moi Et pas la peine de me ramasser je vais vous refiler mes escarres puants et dégoulinants Et ma pisse séchée sur moi vous rigole dessus Bon c'est quoi cette putain de caisse à fleurs Et alors ? Fallait bien qu'un jour je me ramasse quelque part qu'a tout l'air de pas exister Si je suis pas là où je suis je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même Faut croire que c'est comme ça le destin de tout un chacun Surtout le mien Peut-être que je suis passé dans un trou de la terre avec mon tremens et que je suis arrivé quelque part inconnu de tout le monde Là où je suis j'y suis pas Si ça tombe les gens me passent dessus que je me rends même pas compte Peut-être qu'ils me marchent dessus me pissent dessus me rigolent dessus me sautent dessus Et moi je sens rien Cette caisse que je suis dedans c'est peut-être un anesthésiant Pour ça que je vois que des fleurs Des fleurs Des fleurs Derrière Devant Sur les côtés Je fous le camp dans les fleurs Si ça continue je vais les brouter par la racine Ah non Non non non J'ai mon veto Je broute que dalle Plutôt me faire jeter du bon secours à moins dix sans couvrante et à jeun.