O.Q.T
Fiche
- Visuel
- Année
- 2003
- Édition
- Le bruit des autres
Extrait
(Service des rapatriements. Onze gendarmes autour d'une table.)
L'officier : L'officier se tourne vers l'horloge, regarde sa montre […], boit une gorgée de café, puis : Messieurs… Il y a de la promotion dans l'air… Mais pour ça, il va falloir prouver votre valeur… ne pas faire mentir vos supérieurs qui ont mis toute leur confiance dans votre efficacité…
Il brandit un dossier.
Les consignes sont strictes… Six tentatives, ça commence à bien faire… Cette fois ça doit être la bonne. L'éloignement du territoire doit être effectif ce soir. Plus question d'ajournement.
L'officier se tourne vers les derniers arrivés.
Petite récapitulation […]. La concernée est arrivée sur le territoire national il y a six mois. Elle a vingt-quatre ans et prétend venir du Liberia. Elle a fait sa demande au Service des Frontières, qui l'a déclarée irrecevable. Évidemment, son avocat a déposé un recours auprès du Service Central. Qui a conclu une deuxième fois : irrecevable. Dehors… Raus… L'OQT a été prononcé il y a trois mois. Pour l'instant elle s'y est toujours opposée. Attention C'est une coriace qui est parvenue à faire parler d'elle grâce à un groupuscule d'anarchistes et de gauchistes chouchouté par la presse. Elle et cette bande de chômeurs assistés nous ridiculisent depuis trop longtemps. Donc… ça doit cesser…
Huitième gendarme : Elle refuse l'expulsion pour quel motif
Quatrième gendarme : Qu'est-ce qu'on s'en branle pourquoi madame ne veut pas rentrer
L'officier : Raison humanitaire. La déboutée prétend que pour effacer une dette d'honneur son père veut la marier à un chef du Front de Libération […].
Cinquième gendarme : Autant dire une peccadille. Ma gamine me fait un coup pareil…
Premier gendarme : On s'en fout de ta gamine. Au huitième gendarme. Ce chef rebelle est un vieux de 65 ans. Polygame. Au cinquième gendarme. Tu la marierais à un polygame de 65 ans, ta gamine
L'officier : Pas de polémique
Troisième gendarme : C'est un mariage traditionnel… Un point c'est tout […]. C'est normal chez eux tout ça. Nous, on ne peut pas comprendre. Ce n'est pas notre culture. Le mieux, c'est qu'ils s'arrangent entre eux. Quant à moi, je ne vois pas de fascisme là-dedans…