Près Du Coeur

« Il y a des expériences qu’on vit mais dont on ne parle pas. On devrait se souvenir des expériences de situations extrêmes » Jan Kott, « La Mémoire du Corps Le sujet central de « Près du Cœur » est l’expérience de notre protagoniste avec le cancer du sein et sa quête de guérison. Son histoire peut être lue comme une métaphore pour nous tous qui un jour ou l’autre transitons du monde des bien-portants à celui des malades. Nous suivons notre protagoniste qui par la mémoire de son corps se retrouve dans l’état de malade. Nous apprenons comment elle a voyagé dans ces contrées, s’est donné du courage par des souvenirs de son enfance et de ses ambitions de jeune adulte ; comment elle s’est posé les questions de la signification de ce cancer du sein, et en quoi cela affecte son identité. Comment elle essaye d’y échapper, comment elle le supporte, comment il lui arrive d’en rire parfois. Nous entendons d’autres voix rencontrées au moment de la maladie : celles du monde médical, d’amis, d’enfants ; nous entendons aussi les voix de femmes qui sont passées par-là : Rachel Carson, Kathleen Ferrier et Susan Sontag. Au-delà de l’expérience individuelle de cette femme, nous posons des questions sur la nature de la maladie et de la guérison. Questions sur ce que la médecine peut pour nous, questions sur le comment nous répondons à la maladie, et questions sur la manière dont nous sommes devenus étrangers aux processus naturels, y compris celui de la mort.. La pièce pose des questions sur les causes du cancer, questions qui dépassent celles de nos habitudes de vie. Notre responsabilité individuelle est confrontée à des responsabilités plus larges parce qu’il y a tant de choses hors de notre contrôle, de notre savoir, de notre connaissance. Il n’y a qu ‘une femme sur la scène, mais c’est tout un monde qui est représenté dans ce qui arrive à son corps. Un autre aspect de l’histoire est de donner de l’espoir : nous pouvons tous un jour faire l’expérience de la peur de la maladie et de la mort, et nous avons besoin d’histoires qui ne nous cachent pas la réalité et qui montrent qu’il y a plus dans la vie que ses aspects matérialistes, plus que le seul fait d’exister. Françoise Walot

Fiche

Année
2011

Extrait

Acte I

L’opération (Hiver)

Dans l’espace, une chaise et une table. Sur la table, un pick-up, des disques, des livres, des magazines.

1.
Entre une femme d’une quarantaine d’années ; s’adressant au public :
Vous aimez mes chaussures ? Je les ai achetées dans le magasin au coin de la rue près de l’hôpital. J'en ai beaucoup de paires. Je les ai toutes achetées là. J’y allais chaque fois, après…
Je n’ai pas acheté des chaussures chaque fois que j’allais à l’hôpital, non, mais c’est vrai que j’en ai de nombreuses paires…
Pourquoi toutes ces chaussures?
Parce que j’ai été courageuse. J’ai fait ce qu’on m’a dit de faire. Sans résister ni me rebeller ; sans poser trop de questions. La fille courageuse a dit oui à tout : la mammographie, la ponction, l’opération, la chimiothérapie, oui, oui, oui, oui ! Même les rayons : Oui ! Tout ! S’il vous plaît et merci. (...)

Acte II

La Chimiothérapie (Pas de Printemps)

1.
Elle entre, pleine d’énergie :
Les enfants, venez avec moi dans la cuisine. Il y a de quoi manger : venez ! C’est bon, mmmm, miam, ça a l’air bon. Les enfants, il faut que je vous dise quelque chose : après l’opération, ils veulent me donner des médicaments, pour être sûr que la maladie est partie, et que je suis tout à fait guérie; et peut-être, ils ne savent pas à 100 %, peut-être que je vais perdre mes cheveux.
AhAhAhAhAh (rires, pliée en deux, joue les enfants pointant du doigt)
« Maman va devoir mettre une moumoute !
(...)

Acte III

La radiothérapie (Eté)

Il me semble que chaque fois que je vais à la séance de rayons, le temps est magnifique : 6 semaines de temps magnifique. Mai et juin.
J’y vais à vélo. Je le parque dans une petite cour où il y a beaucoup de voitures. La plupart des gens viennent en voiture.

Quelques marches, une porte : je l’ouvre.
Tout de suite à gauche, une autre porte qui donne dans la salle d’attente ; j’entre. Il y a des chaises le long des murs, des gens assis, des fenêtres. Il fait lumineux.
Il y a aussi des magazines stupides à consulter, toujours les mêmes : tu en as vu un, tu les as tous vus, alors…
(...)