Haie

De l'autre côté de la

Les Trèfles vivent heureux au Royaume des Trèfles depuis au moins tout ça. La rue, les réverbères, les animaux, les arbres, leur bon roi Guido leur ressemblent. Ils sont très trèfles. Pour protéger ce havre de paix du reste du monde, les trèfles ont planté une haie et devant la haie, Monsieur Dix de Trèfle, son gardien, veille à ce que personne ne la traverse. Pour que rien ne change. Tout devrait être très trèfle dans le meilleur des mondes trèfles. Seulement dans le royaume voisin, chez les Piques, leurs ennemis, se produit une catastrophe : un écrasement de terrain qui compresse tout le territoire, alors, une nuit, profitant de la somnolence du gardien de la haie, Monsieur et Madame Valet de Pique, aux abois, se réfugient en terre trèfle. Et cette présence incongrue provoque changements et bouleversements…

Fiche

Année
2008

Extrait

Quatre : Bien le bonjour, Monsieur Dix.

Mr Dix : Oh, c’est toi, mon trèfle Quatre.

Quatre : Comme tous les lundis, Monsieur Dix… Alors, la nuit a été calme ?

Mr Dix : Très calme. Absolument calme. Il ne s’est rien passé.

Quatre : Pas trop fatigué ?

Mr Dix : Non. Je me sens frais comme un château qu’on vient de construire. Il sort de sa couverture et commence à faire quelques exercices de gymnastique.

Quatre : C’est vrai que vous ne dormez jamais, Monsieur Dix ?

Mr Dix : Jamais, mon trèfle Quatre.

Quatre : Mais comment vous faites ? Moi, si ça me prend, je ne peux pas m’en empêcher. Parfois, je dois me gifler pour ne pas ronfler au milieu d’une phrase.

Mr Dix : Ce n’est pas donné à tout le monde, mon trèfle Quatre… Et puis j’ai ce qu’il me faut.

Quatre : Quoi, Monsieur Dix ?

Mr Dix : Je prends… Je peux compter sur ton silence, mon trèfle Quatre ?

Quatre : Monsieur Dix, je suis muet comme un billet de tombola ! Boule de trèfle et sac de pique !

Mr Dix : Je peux compter sur ton silence ?

Quatre : On se connaît depuis mille lundis, Monsieur Dix.

Mr Dix : Depuis tout ça ?

Quatre : Depuis au moins tout ça. Bon alors, qu’est-ce que vous prenez pour ne jamais vous endormir quand vous gardez la haie.

Mr Dix : Des jetons, mon trèfle Quatre. Des jetons. Il sort une boîte de sa poche Quand je sens que mes yeux se ferment, j’en prends un bleu, comme ça. Et hop, ils se rouvrent à nouveau. Voilà.

Quatre : Incroyable. Un bleu et hop ! Mais ça ne vous manque pas, les rêves ?

Mr Dix : Non, Mon trèfle Quatre, parce qu’il y a les jetons rouges qui les remplacent. Quand on les prend, plus besoin de rêver et voilà.

Quatre : Ah.

Mr Dix : Faut ce qu’il faut. Ce n’est pas rien de garder cette haie. C’est une responsabilité.

Quatre : On peut le dire, Monsieur Dix. On peut le dire. Ce n’est pas une mince affaire.

Mr Dix : Non. Ce n’est pas comme vendre tes billets.

Quatre : Monsieur Dix !

Mr Dix : Ne le prends pas pique, mon trèfle Quatre. Ce n’est pas une critique. Je veux dire que toi, tu fais un métier de détente. Tu offres…

Quatre : Du rêve.

Mr Dix : Un espoir. Tu offres un espoir. En achetant tes billets, les gens se disent « et si moi, je le gagnais, ce gros lot ». Moi, j’apporte la sécurité. La certitude que personne n’entrera dans notre village.

Quatre : Et que personne n’en sortira.

Mr Dix : Cela va de soi. Que tout restera pareil, indéfiniment. Que nous resterons entre nous.

Quatre : Entre Trèfles.