Haie
De l'autre côté de la
Fiche
- Année
- 2008
Extrait
Quatre : Bien le bonjour, Monsieur Dix.
Mr Dix : Oh, c’est toi, mon trèfle Quatre.
Quatre : Comme tous les lundis, Monsieur Dix… Alors, la nuit a été calme ?
Mr Dix : Très calme. Absolument calme. Il ne s’est rien passé.
Quatre : Pas trop fatigué ?
Mr Dix : Non. Je me sens frais comme un château qu’on vient de construire. Il sort de sa couverture et commence à faire quelques exercices de gymnastique.
Quatre : C’est vrai que vous ne dormez jamais, Monsieur Dix ?
Mr Dix : Jamais, mon trèfle Quatre.
Quatre : Mais comment vous faites ? Moi, si ça me prend, je ne peux pas m’en empêcher. Parfois, je dois me gifler pour ne pas ronfler au milieu d’une phrase.
Mr Dix : Ce n’est pas donné à tout le monde, mon trèfle Quatre… Et puis j’ai ce qu’il me faut.
Quatre : Quoi, Monsieur Dix ?
Mr Dix : Je prends… Je peux compter sur ton silence, mon trèfle Quatre ?
Quatre : Monsieur Dix, je suis muet comme un billet de tombola ! Boule de trèfle et sac de pique !
Mr Dix : Je peux compter sur ton silence ?
Quatre : On se connaît depuis mille lundis, Monsieur Dix.
Mr Dix : Depuis tout ça ?
Quatre : Depuis au moins tout ça. Bon alors, qu’est-ce que vous prenez pour ne jamais vous endormir quand vous gardez la haie.
Mr Dix : Des jetons, mon trèfle Quatre. Des jetons. Il sort une boîte de sa poche Quand je sens que mes yeux se ferment, j’en prends un bleu, comme ça. Et hop, ils se rouvrent à nouveau. Voilà.
Quatre : Incroyable. Un bleu et hop ! Mais ça ne vous manque pas, les rêves ?
Mr Dix : Non, Mon trèfle Quatre, parce qu’il y a les jetons rouges qui les remplacent. Quand on les prend, plus besoin de rêver et voilà.
Quatre : Ah.
Mr Dix : Faut ce qu’il faut. Ce n’est pas rien de garder cette haie. C’est une responsabilité.
Quatre : On peut le dire, Monsieur Dix. On peut le dire. Ce n’est pas une mince affaire.
Mr Dix : Non. Ce n’est pas comme vendre tes billets.
Quatre : Monsieur Dix !
Mr Dix : Ne le prends pas pique, mon trèfle Quatre. Ce n’est pas une critique. Je veux dire que toi, tu fais un métier de détente. Tu offres…
Quatre : Du rêve.
Mr Dix : Un espoir. Tu offres un espoir. En achetant tes billets, les gens se disent « et si moi, je le gagnais, ce gros lot ». Moi, j’apporte la sécurité. La certitude que personne n’entrera dans notre village.
Quatre : Et que personne n’en sortira.
Mr Dix : Cela va de soi. Que tout restera pareil, indéfiniment. Que nous resterons entre nous.
Quatre : Entre Trèfles.