Maisons pirates : le business de la misère

Le 6 octobre 2016, le parquet de Charleroi ordonne une descente de police au Home Massimo, une maison d'accueil de Gosselies. Les enquêteurs découvrent ce jour-là 46 locataires, des malades mentaux, pour la plupart, vivant dans des conditions d'hygiène indignes et livrés à eux-mêmes. Le propriétaire des lieux est aussi soupçonné de mauvais traitements, il est arrêté et la résidence est placée sous scellés. C'est une enquête de police de plusieurs mois qui a conduit à la fermeture du Home Massimo. La justice commence en effet à s'intéresser à un phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur, celui des « SHNA », les structures d'hébergement non agréées, qu'on appelle dans le milieu « les maisons pirates ». Notre équipe a retrouvé une ancienne résidente du Home Massimo. Son récit est effrayant : violences physiques, malnutrition, détournements d'argent des locataires. Mais le home Massimo est-il un cas isolé ? La réponse est non, nous avons découvert l'existence d'un document qui circule dans le milieu de la psychiatrie. Il s'agit d'une liste, non-officielle, qui répertorie certaines maisons d'accueil, une véritable « liste noire des maisons pirates ». Et cette liste, par sa taille, fait froid dans le dos. Elle répertorie une soixantaine de ces institutions privées, à Bruxelles et en Wallonie. Grâce à cette liste, nous avons retrouvé d'anciens travailleurs de maisons pirates, mais aussi des médecins et des assistants sociaux contraints de les utiliser, faute de place dans les structures officielles. Ce que ces témoins racontent, c'est un véritable système parallèle d'hébergement. Des milliers de personnes, souvent des accidentés de la vie, vivent dans des maisons pirates, à l'abri des regards. Pire, ils sont souvent dépouillés de tout ce qu'ils ont. Des êtres humains sont donc devenus la marchandise d'un commerce très lucratif. Et ce commerce rapporte tellement d'argent que certains gérants ouvrent ce type de maisons d'accueil dans toutes les régions du pays, transférant des résidents d'un endroit à un autre, les déracinant, parfois sans leur accord. C'est le cas notamment d'une famille bruxelloise, à la tête d'un empire d'une dizaine de maisons pirates. Ils y « accueillent » des centaines de personnes, dans des conditions souvent déplorables, tout en réclamant des loyers exorbitants, un véritable business de la misère.

Fiche

Année
2017