Curé le jour, athée la nuit...

La bonne parole du curé Meslier

Au début de l’été 1729, à l’aube du Siècle des Lumières, Jean Meslier, curé du petit village d’Étrépigny dans les Ardennes françaises, laissait à sa mort un volumineux Mémoire manuscrit de ses « pensées et sentiments ».

Ce Mémoire, c’est une bombe ! Il offre la critique la plus complète jamais entreprise jusqu’alors des abracadabrances bibliques et évangéliques, la première théorie de l’athéisme, du matérialisme philosophique et un programme concret de libération des masses, le seul jamais proposé avant la Révolution française.

Unissez-vous donc, peuples, si vous êtes sages !
Toutes les religions ne sont que des inventions humaines.
La matière ne peut avoir été créée.
Elle a d’elle-même son être et son mouvement.
Il n’y a point de Dieu.

Tel est le message de Meslier, en avance sur son temps – sur le nôtre aussi !

Dans une langue à la fois modernisée et d’une grande fidélité au texte de Jean Meslier, Jean-François Jacobs laisse ici exploser la « bonne parole » de ce curé détonant, de cet homme attachant, de ce penseur politique et philosophique méconnu et pourtant de tout premier plan.

Dans sa préface au texte de la pièce, Serge Deruette, professeur d’Histoire des idées à l’UMONS, spécialiste de Jean Meslier, situe le personnage dans son époque et en présente la pensée.

 

  • Sous-titre: Adaptation du Mémoire de Jean Meslier en un monologue théâtral
  • Auteur(s): Jean-François Jacobs
  • Éditeur: Aden / Petite Bibliothèque
  • Genre: Théâtre
  • Péritexte: Préface de Serge Deruette
  • Format: 11.5 cm x 17 cm
  • Nombre de pages: 80 pages

Fiche

Visuel
Vidéo
Images
Année
2016
Édition
Eden
Distribution
Belles Lettres (Belgique et France)

Extrait

Tout ce qui est vrai n’est pas toujours bon à dire. Les politiques ne manqueront pas de trouver qu’il vaudrait mieux tenir le peuple enseveli dans une profonde ignorance. Je les entends déjà : « C’est favoriser les méchants que de les délivrer de la crainte des dieux et des châtiments éternels d’un enfer, qui pourraient les retenir, et les empêcher de s’abandonner au vice », car ils pensent « qu’il est besoin que les peuples ignorent beaucoup de choses vraies, et qu’ils en croient beaucoup de fausses ». À cela, je réponds en deux mots. Un : ces méchants ne sauraient guère devenir plus méchants qu’ils ne sont déjà. Deux : je dis que ce n’est pas la vérité qui rend les peuples vicieux et méchants, mais l’ignorance et le défaut de bonne éducation. C’est l’absence de bonnes lois et de bon gouvernement qui les rend si misérables. Tant que les douceurs de la vie seront attachées à la naissance plutôt qu’à la vertu et au mérite personnel, les hommes seront toujours tourmentés.

Que les personnes de bon sens acceptent de se défaire un peu des préjugés issus de leur naissance et entretenus par leur éducation. Examinez sérieusement mes pensées. Le sujet est important. Il s’agit du bien, du repos et de la tranquillité publique. Il s’agit de la délivrance de tous les peuples de la terre. Ce sont les lumières naturelles de la raison, non les bondieuseries qui sont capables de nous conduire à perfectionner les sciences, la sagesse humaine et les arts. Pour gouverner, a-t-on besoin de ce prodigieux faste, de cette pompeuse, fière et superbe grandeur de nos dirigeants ? Vous n’avez aucun besoin de tous ces gens-là, mais eux ne sauraient se passer de vous. Il est dit dans un de nos prétendus saints et divins Livres, que Dieu « renversera de leur trône les princes orgueilleux et superbes, et qu’il fera asseoir à leur place des hommes doux et pacifiques ». On attend toujours. N’attendez plus ! Vous serez misérables tant que vous ne posséderez pas et que vous ne jouirez pas tous en commun des biens de la terre ! Unissez-vous donc, peuples, si vous êtes sages ! Encouragez-vous les uns les autres pour mener à bien cette si noble, si généreuse, si importante et si glorieuse entreprise ! Communiquez-vous secrètement vos pensées et vos désirs ! Conspirer ensemble pour vous délivrer de ce commun esclavage ! Répandez partout des écrits semblables à celui que je vous laisse ! Au lieu de combattre les uns contre les autres pour le choix des tyrans, joignez-vous tous ensemble pour les détruire ! Retenez vous-mêmes par vos mains toutes les richesses que vous produisez et arrêtez de servir les puissants ! Rendez esclaves vos tyrans ! Opprimez tous vos oppresseurs ! Rejetez tous vos prêtres, tous vos moines ! Donnez-vous de bons, de sages et de prudents dirigeants ! Abolissez entièrement la tyrannie et le culte superstitieux des dieux ! Combattez pour la liberté publique et le partage des fruits de votre travail ! Point d’autre religion parmi vous que celle de la véritable sagesse et de la bienséance. Point d’autre que celle de maintenir la justice et l’équité partout. Point d’autre que celle de vous aimer tous les uns les autres et de garder inviolablement la paix et la bonne union entre vous.

Si vous trouvez que mes raisonnements sont justes, c’est à vous de soutenir le parti de la vérité, c’est à vous de blâmer et de condamner les injustices. C’est indigne de favoriser par votre silence tant de si détestables abus. Si au contraire vous trouvez que mes déductions ne sont pas bien fondées et que c’est un crime de penser comme je le fais, c’est à vous de réfuter mes raisonnements. C’est à vous de prouver la prétendue vérité de votre foi et de votre religion. Ce que je vous défie de pouvoir faire.