Jean Louvet

  • Spectacle vivant / Écrit / Audiovisuel / Son

Devant le mur élevé

Le récit d'un homme qui, après en avoir croisé un autre dans le renfoncement délabré d'un bureau de poste, l'a invité chez lui, et l'attend. Mais aussi l'histoire d'un clown un peu perdu (…) mi-triste, mi dérisoire de sa propre désaffection. Mais encore le poème d'un naufragé qui appelle dans la nuit tombante cet autre pour qu'il lui tende une main, un verre, un miroir, une bouée. Mais aussi le cri d'un Narcisse des grands ensembles apeuré au bord de la mare, et qui ne veut plus, qui ne peut plus aimer, mais enfin le portrait d'une existence contemporaine des nôtres, corps et conscience abîmés par les leurres d'une société où la cellule clonée servira peut-être bientôt de passeport de notre intimité. (Philippe Sireuil)

Fiche

Année
2000
Édition
Lansman

Extrait

Manipulé par un narcissisme sournois, démonté à plat comme une chose technologique, je me sentais assiégé au plus intime de moi-même. Hier encore, mon unité éclatait en phantasmes de corps dépecé, de sang qui fuit, de sperme arraché. Inavoufés, inavouables, des mots de théâtre affleuraient, mais j'en reculais l'écriture, j'en niais la nécessité. Et soudain, la rencontre. L'autre. Un inconnu. Là devant le mur qui s'élève au gré de la lamentation, l'inconnu en complet gris, en lieu et place de l'accordéoniste roumain, du S.D.F. et son chien, l'inconnu crie:"On ne peut plus rire! Aujourd'hui, l'homme ne rit plus!". Il ne demande rien, il ne vend rien. Il s'en va par la ville, prêchant dans le coins de mendicité la parole de l'homme qui se perd à lui-même. Le visage-masque de ce prophète ordinaire, est-ce le sacré? Ainsi recule le temps de la déliaison. A la fin du spectacle, le "personnage" écrit à sa femme. "Reviens, ne nous quittons plus". Après vingt lettres déchirées, il s'est décidé à envoyer la dernière. (Jean Louvet)