Ma nuit est plus profonde que la tienne
Fiche
- Visuel
- Année
- 2002
- Édition
- Lansman
Extrait
"Elle : Je joue, je joue, puis l’accident. La fausse note tant redoutée. Le faux pas du matador. Finie la représentation. On enlève le piano, la scène se vide. Comment pourrai-je vous rembourser ? Notre siècle n’arrêtera plus de rembourser le spectateur. (Elle se remet à jouer avec véhémence, assise, debout, s’arrête net.) Je ne veux plus jouer. Je ne veux plus aimer. Lui C’est la première fois que vous parlez d’amour. Elle Je n’ose voir les images d’amour. Je les rejette dans la nuit. Je vous avais promis de jouer. Peut-être ai-je peur de vous, enfin, de jouer devant quelqu’un. Aujourd’hui, je ne supporte plus de jouer devant quelqu’un. Lui Vous n’avez tout de même pas peur de moi. Je ne vous demanderai plus rien, soyez apaisée. Elle Entendez-vous le cliquetis des armes dans le lointain ? Nos armées triomphent. C’est rassurant, avouez-le. C’est horrible, n’est-ce pas, d’en arriver là. Appelez quelqu’un, je vous en prie. (Elle ouvre la fenêtre, les volets. Elle crie, appelle.) Un passant, n’importe qui. J’ai froid en moi. Chauffez les murs. Lui Je tiens à vous depuis le premier jour. Elle Taisez-vous ! Allez-vous en ! (Un temps) Non, restez. (Il va chercher son manteau.) Elle Longez la muraille, soyez prudent. Les orphelins rôdent autour de l’enceinte. Ils raclent les murs et tracent des signes mystérieux. La nuit, ils veulent pénétrer dans le bâtiment. Puis, ils partent s’entre-déchirer ailleurs. Ne m’embrassez pas."