Jean-Marie Piemme

  • Écrit / Spectacle vivant / Son / Audiovisuel

La commande, une création, sans compromission ?

Le texte d'une intervention orale au théâtre Le Public, dans le cadre d'un colloque "Quel théâtre pour demain et pour qui ?" (4-6 juin 2007). Disponible sur le site : www.theatrelepublic.be/publications_details.

Fiche

Année
2007

Extrait

"Je vais vous parler du rapport que j'entretiens avec la commande. Je vais distinguer l'aspect personnel de la commande de son volet social.

Au plan personnel, une commande met en jeu le désir. On écrit parce qu'on a un désir. On écrit parce qu'on a envie de quelque chose. On écrit parce qu'on a de l'intérêt, au sens large du terme, pour quelque chose. En même temps, cet intérêt, on suppose qu'il sera partagé par quelqu'un. On écrit pour que le désir de l'autre vienne rejoindre le désir que l'on a. La commande est un cas de figure qui met assez bien en marche et en jeu cette dialectique du double désir. Etre désiré, c'est plutôt bien; c'est plutôt une ouverture intéressante. Ca ne fait pas l'œuvre, ça ne fait pas la qualité de l'œuvre surtout, mais ça ouvre un espace où tout à coup on se dit: "J'existe pour quelqu'un », ce qui me paraît quand même assez fondamental.

Au plan social, c'est tout autre chose. Au plan social, la commande a beaucoup d'intérêt parce qu'elle fait fonctionner le mécanisme institutionnel du théâtre. Aujourd'hui, beaucoup d'auteurs cherchent à faire lire leurs pièces, à faire reconnaître leur écriture. Beaucoup d'auteurs aussi écrivent dans leur coin sans liaison particulière avec une institution théâtrale. Pour les aider, on a mis sur pied des systèmes de bourses; vous pouvez, en tant que porteur d'un projet d'écriture adresser une demande de bourse à la Communauté française; une commission examinera votre projet; vous pourrez, le cas échéant recevoir une bourse d'écriture. C'est très bien. Une fois l'œuvre écrite, l'auteur se retrouve avec une pièce qu'il vient d'achever. Il pense, bien entendu, que c'est la pièce la plus géniale du monde, que Shakespeare peut aller se rhabiller et que tous les murs de l'institution théâtrale vont s'effondrer devant l'émergence d'un chef-d'œuvre. Ca ne se passe pas vraiment comme ça."