Jeanne Dandoy

  • Écrit / Audiovisuel / Spectacle vivant

Hasta la vista Omayra

En 1985, suite à une éruption volcanique en Colombie, Omayra Sanchez fillette de treize ans, est coincée dans une coulée de boue et de débris. Elle décède d'hypothermie et de gangrène après trois jours de souffrance sous les flashs des reporters. Personne n'a pu la sauver. Ce souvenir tatoué dans le cœur, la comédienne et autrice Jeanne Dandoy déplore que notre petit territoire révolutionnaire se résume à un bout de mur virtuel où hurler notre colère, où dresser la liste des choses à bannir, où publier des pétitions en ligne.

Nous vivons dans un monde où tout savoir est à portée de clic de souris, où nous pouvons tout connaître de notre voisin de l’autre côté de l’Atlantique sans l’avoir jamais rencontré, où la somme des problèmes mondiaux ne nous est pas inconnue... sans pouvoir rien y changer. Cette accessibilité n’est-elle pas là d’avantage pour nous paralyser que pour nous pousser à agir? Quelle est notre part de responsabilité? Quelles sont les frontières de la liberté quand la terreur s’invite dans les foyers? Dans cette époque en manque de spiritualité, quelles sont les réponses que nous, citoyens du monde, nous tentons d’apporter à notre impuissance? Religion? Science? Militantisme forcené sur les réseaux sociaux? Comment dépasser sa peur, cette peur qui «tue l’esprit», pour se réiventer un futur possible, joyeux et tout simplement humain?

Cassandre, le personnage de ce singulier spectacle multi-média, se prépare à mettre au monde un enfant. Cette nouvelle responsabilité si lourde de sens la confronte à sa propre impuissance et la pousse dans ses derniers retranchements, aux confins de la folie et de la mort. Dans ce bref instant où la vie quitte son corps et celui de son enfant, des pulsions de vie aussi impromptues qu’effrayantes la secouent et tentent de l’arracher à ce tragique destin. Cassandre rencontrera plusieurs fantômes, doubles d’elle-même, figures du passé, du présent et du futur, qui l’aideront à tracer sa voie et à survivre, tout simplement. Un voyage intérieur poétique, en amour, humour, vidéos, chanson, évocations sonores décalées.

Production Seriallilith, en coproduction avec le Théâtre de Liège et le Théâtre de Poche, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre.

Texte, mise en scène et interprétation: Jeanne Dandoy

Assistant à la mise en scène: François Bertrand

Création vidéo: Lionel Ravira
Chef opérateur: Florian Berutti
Scénographie: Vincent Lemaire
Création son: Guillaume Istace
Composition musique chanson: Olivia Carrère
Création lumière: Xavier Lauwers

Création costume: Emilie Jonet
Création maquillage: Marie Messien

Interprétation vidéo: Léna Piazza
Voix off: Vincent Hennebicq et Isabelle Pajot

Déléguée de production: Leïla Di Gregorio
Attaché de diffusion: Matthieu Defour/Théâtre de Poche

Régie plateau: Antoine Moors
Régie lumière:  Jean-François Betrand
Régie son: Loris Manzani
Confection costumes Myriam Simenon, Agnès Brouhon, et les Ateliers du Théâtre de Liège
Confection décor et accessoires Marie-Claire Dardenne, Eddy Niejadlik et les Ateliers du Théâtre de Liège
Stagiaire son: Noam Rzewski
Stagiaire scénographie: Clémentine Ribal

Fiche

Visuel
Vidéo
Images
Année
2016
Édition
Lansman
Production
Production Seriallilith, en coproduction avec le Théâtre de Liège et le Théâtre de Poche, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Direction générale de la Culture, Service général des Arts de la scène, Service Théâtre.

Extrait

La petite fille
Est-ce que tu te souviens d’Omayra Sanchez? Est-ce que tu t’en souviens vraiment?

Cassandre
Colombie. 13 novembre 1985. L’éruption du Névado Del Ruiz. On venait de fêter mon anniversaire. C’était le journal télévisé. On a commencé à manger. Devant. Devant les images vomies par le flux continu, brouilli brouillé de la télé. On a commencé à manger. Le ton de la présentatrice allait en inflexions paniques. En gravité, tonalité d’horreur. La situation est désespérée, j’ai pensé.

La petite fille
J’AI pensé.

Cassandre
Ca coulait. Ca inondait. La boue. Des gens qui crient. Ce regard. Omayra: 13 ans pour toujours. Flashs flash flash/ Flashs de lumière. Ca mitraille, de ce nouveau genre d’arme qui t’immortalise alors que tu voudrais juste vivre. La mort-agonie, la mort-spectacle de cette enfant de mon âge ou presque. Ses jambes coincées par un arbre, les débris, le béton. Elle appelait à l’aide. Mais ça servait à rien, j’ai pensé...

La petite fille
Papa et maman ne peuvent pas me sauver.

Cassandre
Tout est fini.

La petite fille
C’est la fin du monde.

Cassandre
La fin d’un monde.

La petite fille
La fin de mon monde.

Cassandre
Si je m’endors avant que maman ait fermé la porte, je me réveille en volant.

La petite fille
S’il se retourne en arrivant au coin de la rue, c’est qu’il est amoureux de moi.

Cassandre
Si je mange des épinards à tous les repas, Tchernobyl sera sauvé de la radiation.

La petite fille 
Si je retiens mon souffle pendant 3 minutes comme Jacques Mayol dans Le Grand Bleu, le supermarché où papa travaille rouvrira.

Cassandre
Si j’arrête de cligner des yeux, les enfants arrêtent de mourir de faim.

La petite fille
Si je fais 100% à mon examen de biologie, le rein de maman repousse.

Cassandre
Maman a survécu. Son rein s’est régénéré.

La petite fille a disparu. Cassandre cherche La petite fille.


Cassandre

Cassandre!

La petite fille
Ferme les yeux et compte 10 crocodiles.

Cassandre ferme les yeux et commence le décompte en parallèle avec la réplique de La petite fille.

Cassandre
1 crocodile, 2 crocodiles, 3 crocodiles, 4 crocodiles, 5 crocodiles, 6 crocodiles, 7 crocodiles...

La petite fille /en parallèle avec le décompte de Cassandre
Quand tu rouvriras les yeux, si je suis toujours là, alors...

La petite fille s’éloigne.

Cassandre rouvre les yeux quand La petite fille rit. Une couronne mortuaire lui tombe dans les mains.

Cassandre
Attends! Quoi? Quoi? Qu’est-ce qui se passera? Qu’est-ce que je dois...?

NOIR.