Contes du sabbat

et autres diaboliques amuseries

Les poésies faussement naïves de Julien Noël ne dérogent pas à la mission qui est la sienne. À savoir magnifier le peu de réalité, transfigurer/illuminer les gouffres amers du subconscient, donner du sens à la magie et de la magie aux sensations et aux concepts. L’écriture se fait ainsi sorcière, elle nous mène de ce fait au sabbat du langage. L’érotisme torride voisine avec les aperçus théologiques qui, l’air de ne pas y toucher, sont comme des sentinelles qui veillent entre les lignes.

Marc-Louis Questin

Fiche

Visuel
Année
2015
Édition
Stellamaris

Extrait

La Malnoue

J’adresse ce billet à l’esprit de la noue :
Vouivre, Ondine ou bien Nix ; peu importe ton nom,
Légendaire habitant de l’étang plein de boue...

Pour sûr, tu me connais : vacher des environs,
Chaque lune, je viens faire paître mes bêtes
Le long du gris marais dont tu es le baron,

Et c’est toujours pareil : quand je compte les têtes,
Au bout de la journée, une manque à l’appel,
Noyée à point douter — pressens-tu ma requête ?

Faisons donc un marché : ce pacte serait tel
Qu’il protège à la fois ma cense et ton eau lisse.
Voici mes conditions ; entends-les, par le ciel !

Bisannuellement — disons aux deux solstices —,
Je te ferais présent du plus tendre des veaux
Paissant dans mon troupeau — voire d’une génisse ;

En échange, je veux que mes autres bestiaux
Reviennent sains et saufs chaque soir à l’étable —
Et si t’es pas d’accord, je ferai ton trou d’eau

Bénir par un curé, puisque selon les fables
Tu crains celui-là seul, parmi les villageois.
La trêve ou la bataille : ami, je suis capable

De mettre en ton logis de l’ail ou de la poix ;
Alors faisons la paix, ce sera bien plus sage..
J’ai jeté un flacon, l’ayant lesté d’un poids,

Au centre de l’étang — il contient mon message