Le tunnel sous la Manche, l’autre frontière du Brexit ?
L’historien économiste Laurent Bonnaud livre en exclusivité aux lecteurs du Moci une vision des enjeux du Brexit vue par les deux bouts du tunnel sous la Manche et ses recommandations pour éviter de futurs engorgements. En voici une synthèse, l’intégralité de son analyse est dans le fichier PDF attaché à cet article.
Le 1er décembre 1990, deux ouvriers du tunnel sous la Manche se tendaient la main à travers la première jonction de l'ouvrage. La Liaison fixe est devenue le système ferroviaire le plus fréquenté au monde. Le 31 décembre 2020, s'achèvera la période de transition du Brexit. L'histoire nous permet de mieux comprendre ce qui est en jeu pour les liaisons frontalières transmanche.
Extrait
En 2019, la Liaison Fixe a transporté 1,6 million de camions, 2,6 millions de voitures et 21 millions de passagers. Au 31 octobre 2020, le trafic des navettes camions a diminué de 13 % depuis le début de l'année et celui des véhicules de tourisme, de 44 %.
Nonobstant ces derniers chiffres, l'importance stratégique de la Liaison Fixe pour le commerce international, l'approvisionnement alimentaire, la messagerie et le tourisme britanniques et irlandais incitent à défendre l'esprit du traité de Cantorbéry. Une gestion efficace des frontières est vitale.
Depuis 2017, les parties prenantes ont recruté du personnel supplémentaire, aménagé de nouvelles installations douanières et de stationnement, comme les dix sites annoncés au Royaume-Uni le 8 octobre 2020, et investi dans des technologies qui facilitent les contrôles, comme le portefeuille virtuel de documents de transit présenté par le concessionnaire le 29 octobre 2020.
Le National Audit Office britannique prévoit "des perturbations importantes à la frontière à partir du 1er janvier 2021". Ce sera probablement le cas sur la route. Mais la Liaison ferroviaire dispose de capacités disponibles et pourrait accueillir beaucoup plus de trains de marchandises directs, comme le souhaitaient ses promoteurs dans les années 1980. Cette solution favorable à l'environnement atténuerait les goulets d'étranglement dans les régions du Kent et des Hauts de France.
Alors que la période de transition s'achève, le tunnel et sa frontière apparaissent plus que jamais comme un atout stratégique pour le Royaume-Uni et l'Union européenne. L'histoire, la géographie et la technologie ont déterminé la frontière de la Manche et sa gestion. Son contrôle restera la prérogative des États, éventuellement avec délégation à des organismes privés.
Mais tandis que le droit communautaire liait les signataires du traité de Cantorbéry, le Brexit fait du Royaume-Uni un pays tiers. Cela a des implications profondes pour la gouvernance de la Liaison Fixe et de sa frontière, encore susceptible d'évolutions.
La simplicité du slogan "Get Brexit done" cache la complexité de nombreuses questions dans la boîte de Pandore désormais ouverte.