L'Alphabet du Destin

Vingt-six lettres dans l’alphabet. A comme Alexia, B comme Benoît, C comme Camille, D comme Didier… jusqu’à Z comme Zoltan.

Vingt-six prénoms qui font alterner le féminin et le masculin.

Vingt-six fois soixante minutes entre le lundi, 1 heure du matin, et le mardi, 3 heures du matin. 

Vingt-six personnages qui, au long de ces vingt-six heures, vont se croiser, et avec lesquels nous partagerons un moment de leur existence. Certains ne font que passer, d’autres réapparaissent au fil des rencontres.

Vingt-six morceaux de vie, vingt-six narrations qui, chacune, débutent par A comme Alexia, B comme Benoît, C comme Camille, D comme Didier… jusqu’à Z comme Zoltan.

Vingt-six destins, vingt-six hasards… Mais le hasard existe-t-il vraiment ?

Fiche

Visuel
Année
2021
Édition
Quadrature

Extrait

C comme Camille - Lundi, trois heures du matin

Cela fait un moment que, derrière le bar de cette taverne située au cœur de l’aéroport, Camille observe l’homme assis tout seul devant son verre d’alcool. Que fait-il ici ? se demande-t-elle. Au début, elle ne l’avait pas remarqué. Un voyageur parmi d’autres, sans doute, en partance pour quelque ville lointaine. Très vite, cependant, son attention a été attirée. Par définition, la plupart de ses clients sont de passage. Ils ont enregistré leurs bagages et viennent prendre un verre, un café ou un sandwich avant de franchir le contrôle et de se diriger vers leur porte d’embarquement. Ou bien ils sont venus accueillir un proche dont ils attendent l’arrivée. Ils regardent sans cesse leur montre ou leur smartphone, ils sont pressés, nerveux, impatients. Certains ont un ordinateur portable dont l’écran les hypnotise. Il y a des couples aussi, et des familles, des groupes d’amis. Jeunes ou vieux, on les sent tous sur le départ, ailleurs déjà, tout remplis de désirs exotiques et de rêves de dépaysement. Surtout en période de vacances. 

Il y a quelques habitués, également, qui travaillent à l’aéroport comme elle. Ceux-là, elle les connaît presque tous. Ouvriers, techniciens, personnel navigant, agents de sécurité, employés de l’une des innombrables compagnies aériennes desservies par Zaventem, vendeurs dans l’une ou l’autre des boutiques présentes sur le site… 

Celui-ci a l’air un peu perdu, et pas du tout pressé. Il n’a pas d’ordinateur portable ni de bagage à main. De toute évidence, ce n’est pas un voyageur, et il ne semble attendre personne. Ce n’est pas un habitué non plus. Il a l’air triste et même, il paraît avoir pleuré. 

Il est beau et romantique, se dit Camille qui ne peut s’empêcher de rêver. Peut-être vient-il de dire adieu à celle qu’il aime, partie au bout du monde retrouver un autre amour ? Ou bien il a appris la mort d’un proche, d’un ami ? Il doit avoir la trentaine, peut-être un peu plus. Il est pâle, fatigué, les yeux cernés. Mal rasé, le cheveu ébouriffé, comme s’il sortait du lit. Il semble désemparé, et tellement solitaire. Elle ne se lasse pas de l’observer, le cœur battant. Il lui paraît terriblement attirant, avec son air d’enfant perdu.