La folle épopée de Lou B.
un artiste hors normes
Sans doute avez-vous déjà entendu parler de Lou B., ce jeune artiste surdoué de 26 ans qui chante et joue du piano en autodidacte depuis qu'il a 6 ans.
À l’âge de quatre mois, Lou a été diagnostiqué aveugle, puis plus tard autiste. Un syndrome extrêmement rare. Un enfant perdu aux yeux de nombreux professionnels. Mais Lou est né avec cet incroyable joker : des capacités musicales hors normes qu'ont très vite décelées ses parents, qui dès lors ont cultivé ce précieux don, se sont battus, pied à pied, pour le sortir de sa bulle et vaincre ses peurs. Et le miracle de se produire : Lou a participé à sa première télévision en 2008, à l’âge de 10 ans, avec Maurane. Il a ensuite marqué les esprits et la toile avec ses reprises de Stromae et d'Arno, ses duos avec Vianney, Patrick Watson et bien d’autres, et enfin ses parcours jusqu’aux demi-finales de La France a un incroyable talent et de The Voice Belgique.
Dans cette folle épopée, racontée par son papa Luc Boland, on rit, on pleure, au cœur de leur intimité, des combats amicaux et d’un amour sans limites qui font de Lou, aujourd’hui, un être qui ne cesse de s’épanouir. Un récit poignant qui nous pousse à réfléchir à notre humanité.
Luc Boland a scénarisé et réalisé de nombreux films institutionnels, un court-métrage, un documentaire, deux téléfilms et des épisodes de série. Il a ensuite remisé ses ambitions cinématographiques pour s’investir dans des projets associatifs autour du handicap : la Fondation Lou, la Plateforme Annonce Handicap et l'ASBL EOP!, organisatrice de The Extraordinary Film Festival (festival international de films sur le handicap).
Préface de Bernard Tirtiaux :
La musique autant que l'image sont omniprésentes dans la narration mais comment pourrait-il en être autrement avec vos capacités, vos compétences professionnelles. Vous êtes un homme du détail, du découpage scénaristique. Ce livre est avant tout un livre de transmission de père à fils, de la lumière dispensée au-dessus des mots et des encres invisibles. Nous sommes tous soumis aux facéties des joies et des grandes détresses et votre approche à la fois intime et généreuse donne chair et vibration à votre témoignage qui recoupe nos vécus.
Fiche
- Visuel
-
- Vidéo
- Année
- 2024
- Édition
- Racine
Extrait
Juillet 2012. Le bulletin de fin d’année n’est guère brillant. J’écris dans mon journal :
Comme à chaque été, nous avons deux mois pour le booster, lui déclarer une guerre amicale pour le remettre à flot, l’armer au mieux pour affronter la rentrée. L’amour doit parfois se faire tempétueux. Pas d’autre alternative.
C’est l’invincible Armada. Des navires lourdement armés d’arguments face à une frêle esquif qui cabote dans sa mer d’insouciance. Ce ne sont pas de simples échanges de coups de canon, mais le harponnage de son navire, l’abordage pour le contrôle du gouvernail et la capture de son âme avec un filet. La grosse artillerie verbale. De ces mots profilés qui transpercent la cuirasse et le contraignent à entendre l’ultimatum. Jusqu’à parfois l’utilisation du missile fatal de la grosse voix/voie qui tétanise l’ennemi, lui fait hisser le drapeau blanc et le rend apte à entendre les exigences du vainqueur.
Lancer l’assaut au moment précis où il part à la dérive, avant son sabordage. Et après, tout reconstruire. Mais avant de remettre à flot, il faut d’abord tout démonter, jusqu’aux cales. Pour être le capitaine de son navire, il lui faut comprendre. Depuis le début. Pour donner sens. De la salle des machines aux gréements, des règles de navigation à l’étude des vents, Schéma par schéma, plan par plan, pièce par pièce. Ceci pour cela. Et c’est parce que cela que ceci. De l’histoire de l’humanité, en passant par la condition humaine et la vie en communauté. Oser les mots explosifs, comme pour la première fois hier, lorsque j’aborde avec lui la perspective de la mort et de l’après nous. De sa nécessaire autonomie. Oser l’ultime arme de dissuasion en guise de persuasion, au risque d’Hiroshima. Mon amour.
Arrimer le navire à la raison. Ancrer l’âme. Être sa boussole. Réarmer patiemment l’esquif. Sécher nos âmes mouillées par l’embrun jusqu’au au fond des cales parfois. Concentrer, grouper, recouper, assembler la pensée. Défier une déficience fonctionnelle. Jusqu’à l’utopique plasticité du cerveau. Cinq, dix, quinze, vingt minutes et plus. Parfois quotidiennement. Des siècles à vivre. Et toujours terminer sous une bise joyeuse, une température câline et un ciel serein. Il est alors prêt à reprendre son gouvernail, intrépide et courageux. Et de l’accompagner en croisière, en escorte rassurante vers de nouveaux horizons.
Apprécier ensuite les bénéfices évidents du plan de paix et la météo clémente. Observer sa fière allure. Pour peu, au travers des reflets de larmes de joie, je verrais une frégate. Même si je sais très bien que tôt ou tard, le bateau va se dégrader à notre moindre perte de vigilance, lorsqu’il retourne dans sa mer d’insouciance et que la tempête gronde. Inévitable.
Mais ne pas y penser et ne voir que les progrès acquis. Renforcer au besoin les pièces maîtresses à coup de soudures et de peinture fraiche.
Capter l’attention de son esprit volatile qui peine tant à être rationnel. Être présent, lui… et nous. « Concentre-toi, Lou », est le gimmick à toute heure et pour tout, de la pensée aux actes quotidiens. « Range tes chaussettes à leur place ! », pour la cinq cent quatre-vingt-huitième fois. « Ne fais pas de gestes brusques avec ta fourchette », trois à cinq fois par repas. « Balaye avec ta canne », tous les vingt mètres. « Contrôle, mon pote » à chaque toc. « Parce que cela ne se fait pas. On te l’a déjà expliqué plein de fois, Loulou ! ».
Telle est la mutinerie adolescente d’une âme d’enfant. Complexe et orpheline. Se serrer les coudes, être toujours prêt à se mettre en ordre de bataille.
Au lendemain du dernier conflit, Lou me répète, fier et câlin, les mêmes propos que nous lui tenons, lorsque nous lui justifions nos conflits :
- Je t’aime, papa. Et je sais très bien que quand tu te fâches, c’est parce que tu m’aimes. Tu as raison. Continue, papa. Je sais que tu fais cela pour m’aider à grandir et que tu n’aimes pas te fâcher. Merci, papa.
T’inquiète, mon gars. Je ne suis pas prêt de relâcher la douce mais ferme bataille.
Les progrès, c’est maintenant qu’il faut les faire.