300 films contre l'oubli. Filmographie sommaire de la Grande Guerre (1914-1919)

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Par son ampleur, ses horreurs, ses causes, ses modalités, ses conséquences, la Première Guerre mondiale est un affreux laboratoire de la modernité. Dans le tiroir bondé de l’historiographie récente, elle cache un gluant paradoxe: de nombreux spécialistes en explorent le dédale et alimentent un réservoir exponentiel de publications, les chaînes de radio et de télévision lui consacrent quantité de documentaires, une multitude de sources de plus en plus souvent exhumées d’archives privées repoussent les limites de l’exploration. Pourtant, l’impact sur le « grand public » semble rester fort réduit: pour les plus jeunes surtout, celle qu’on appelle communément la Grande Guerre n’est plus, au mieux, qu’une vague référence aseptisée par les manuels scolaires. Au pire, elle n’est plus rien du tout, comme une béance énorme dans la mémoire des hommes. Au moment précis où la Grande Guerre débute, le cinéma a plus ou moins l’âge de la plupart des soldats qu’on envoie s’y faire tuer. Très vite, cet outil néophyte de la culture de masse est mis au service de l’effort militaire et accouche d’une production abondante de films de propagande, soit documentaires, soit de fiction. Après la guerre, des centaines de films, surtout de fiction, continuent à voir le jour. Par l’image ? par elle seule jusqu’en 1927 ? et par le son, ces films remplissent un triple « contrat social » : 1°. témoigner, bousculer les consciences, combattre l’épidémie d’amnésie qui sévit dès l’aube des années folles ; 2°. exorciser les traumatismes qui hantent les survivants et leur descendance, dégager du sens de l’expérience vécue, digérée plus mal que bien et lourdement léguée; 3°. fabriquer un produit spectaculaire commercialisable, donc potentiellement rentable. A peu près une fois sur deux, les films en question honorent leur contrat, notamment grâce à une brochette de réalisateurs et d’acteurs inspirés. En sus, un pourcentage non négligeable de ces films apporte une plus-value d’ordre esthétique. Mais aujourd’hui, à l’exception de quelques titres emblématiques ? The Big Parade, All Quiet on the Western Front, La Grande Illusion, The Paths of Glory,... ?, ces films ne sont plus connus que des cinéphiles avertis ou des historiens de la Grande Guerre. La noirceur du sujet n’explique pas tout: divers filtres se sont déposés, dont le plus épais est sans doute celui des conflits suivants qui eux aussi se traduisent en films (dans le cinéma américain, la Seconde Guerre mondiale et la guerre du Vietnam focalisent pratiquement toute l’attention). D’où l’importance de la liste qui occupe le présent opuscule: rassemblant 300 films réalisés sur 3 continents de 1913 à 2001, cette liste d’intérêt purement documentaire, sans exhaustivité aucune, invite à redécouvrir les sombres arcanes d’un cataclysme dont l’Europe continue à subir aujourd’hui les retombées et ce dans l’optique, sans doute utopiste, mais délibérément optimiste et politiquement neutre, de promouvoir la perspective pacifiste de beaux lendemains au détriment du triste joug de la logique guerrière.

Fiche

Année
2001