Pionnières du risque. Histoires de femmes intrépides.

Image retirée.

Fiche

Visuel
Année
2021
Édition
Editions du Trésor

Extrait

Rien n’est moins seyant et plus inconfortable qu’un scaphandre pieds-lourds.
Il ne l’est pas de nos jours, il l’était encore moins dans sa version d’origine mise au point par les frères Deane et Auguste Siebe dans les années 1830 puis perfectionnée par Auguste Gorman et bien d’autres après lui. Amélioré, copié, remanié à de nombreuses reprises, le scaphandre à casque conserve, quel que soit le modèle, les mêmes caractéristiques générales. D’abord une large combinaison étanche en toile caoutchoutée serrée aux poignets, fixée à un lourd pectoral de cuivre ou de bronze (la pèlerine) sur lequel vient se visser ou se boulonner le casque à hublot, lui-même relié par un narguilé à la pompe à air de surface. Pour les mains, d’épais gants en caoutchouc. Pour les pieds, de grosses chaussures de cuir aux semelles et bouts de plomb. À la taille une large ceinture de lest à laquelle s’accroche l’indispensable couteau, enfermé dans un étui en bronze ou en laiton pour éviter qu’il ne déchire la combinaison (détail non sans importance car, comme l’a très justement fait remarquer Henri de Toulouse-Lautrec, sans doute lors d’une période de dèche : « On ne meurt pas d'un trou à son pantalon, sauf si l'on est scaphandrier. »)
Avec un poids de huit à dix kilos rien que pour la combinaison, douze à vingt par chaussure, une vingtaine pour la pèlerine et le casque, et plus de cinquante pour la ceinture, l’ensemble pouvait dépasser les cent kilos. Pas le genre de costume que l’on enfile à la légère (au sens propre).
On peut donc se demander pourquoi Sarah Bernhardt, la « Divine », choisit de se faire photographier dans cet accoutrement pendant sa tournée aux États-Unis au cours des années 1880. La photo de l’actrice en combinaison de pieds-lourds (sans la ceinture de plomb), prise devant une toile peinte évoquant un rivage marin, le casque posé sur un rocher de plâtre, est intitulée The Ocean Empress, probablement en référence au surnom d’« Impératrice du Théâtre » qu’on lui donnait à Paris avant qu’elle ne quitte la Comédie-Française. Ni le contexte de la prise de cette image ni sa finalité ne sont connus. Peut-être ne fut-ce qu’une simple envie de se faire portraiturer dans une tenue que nous qualifierions aujourd’hui de high tech, à la pointe du développement scientifique de son époque. La plongée professionnelle en scaphandre est en effet en plein essor en cette seconde moitié du XIXè siècle et le succès de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, paru en France en 1869-1870 puis traduit en anglais dès 1873, renforce encore l’intérêt de la société pour les fonds marins.
Une chose est sûre cependant : Sarah Bernhardt n’a jamais mis un orteil dans l’eau avec un tel attirail.
D’autres femmes, oui.