La logique du sang

François, architecte divorcé, tombe sous le charme de Sana, jeune Palestinienne venue poursuivre ses études à Bruxelles. Ils s’installent ensemble et ont une fille, Farah. Mais petit à petit, le couple se délite. Viennent la séparation et les gardes alternées. Lors d’un voyage à Gaza, Sana et Farah rendent visite à une parente. L’immeuble est fréquenté par un dignitaire palestinien manifestement impliqué dans la lutte armée. Dans le cadre d’une opération ciblée, un avion israélien largue une bombe sur le bâtiment. Il n’y a pas un seul survivant. François est effondré. Confronté à la réalité d’un conflit qui lui était jusqu’alors indifférent, il n’a plus qu’une obsession : venger la mort de son enfant. Son objectif : le général qui a commandé l’opération. Il sait qu’il ne pourra pas l’atteindre en Israël. Sa seule chance réside dans un hypothétique voyage à l’étranger du général. Les années passent, jusqu’à ce qu’il reçoive un message codé de Saïd, le frère de Sana : le général doit se rendre à titre privé au Portugal. Avec ce premier roman, l’auteur nous livre l’histoire d’un homme paisible qui, brisé par la perte d’un enfant, se mue en justicier.

Fiche

Visuel
Année
2013
Édition
Zellige

Extrait

La bombe est tombée deux ans plus tard. Au printemps. Sana était retournée à Gaza avec Farah qui venait d’avoir cinq ans. Ce jour-là elles rendaient visite à une cousine dont l’appartement était situé au premier étage d’un immeuble qui abritait également un établissement privé. Il devait s’y tenir des réunions secrètes. Il était en tout cas surveillé par le Shin Bet puisque quinze minutes après l’arrivée du Cheikh A.K. dans l’établissement, une bombe d’une tonne larguée par un F-16 avait pulvérisé l’immeuble.

C’est Saïd qui m’a prévenu. Au téléphone. Saïd le calme, le paisible, le rassurant. Saïd la voix étranglée par les sanglots m’annonçant la mort de sa sœur et de ma fille. « Sana, Farah, I’m sorry. » L’immeuble était en miettes. Il n’y avait pas eu de sirène d’alerte. On ne leur avait laissé aucune chance. Saïd pleurait maintenant sans retenue en continuant de me dire I’m sorry comme s’il se sentait responsable de ce que la misère de son peuple rejaillissait sur moi en m’enlevant ma fille – et moi qui l’écoutais par politesse mais qui sentais mon corps se vider, entendant ou n’entendant plus la plaisanterie d’un collègue à propos de mon anglais, sortant du bureau, la cage d’escalier, montant sur le toit, hurlant sur le toit. Farah ma princesse, ce corps tout chaud gigotant sur mes genoux, ces yeux noirs me fixant sans cligner, sourcils froncés et grimaces de gosse pour que mes yeux clignent en premier, son rire, ses caresses, Farah le sang de mon sang.