Des amours de soie

Thriller psychologique, noir, paru dans la nouvelle Collection "belge" Noirs Desseins, chez Academia/L'Harmattan, en octobre 2023

L'action principale se déroule à Namur.

Sélectionné pour la finale du roman gay (novembre 2024) aux éditions du Frigo.

Fiche

Visuel
Images
Année
2023
Édition
Academia/L'Harmattan, coll. Noirs Desseins

Extrait

Extraits (deux)
… Il rentrait « en cave » comme « en méditation ». Il plongeait, le temps nécessaire, dans une sorte de torpeur sublime qui avait dû le protéger en ces temps de solitude, d’indifférence et de mépris. Le temps du « grand mépris », cela sonnait bien. Il le répéta plusieurs fois à haute voix. Mépris convenait mieux que solitude, rejet ou exclusion. Termes qui feraient allusion à un rebut, quelque chose qu’on écarte, car il ne serait pas conforme. Dans la cave, il ne s’était senti ni seul ni exclus, seulement exceptionnellement privilégié, dans ces moments où il avait pu pénétrer pour la première fois le monde secret des tégénaires.

L’expérience du moulage 
L'expérience était sublime : se laisser ainsi envelopper d'une pâte douce et chaude sous les mains de son amant, ressentir, pendant un court instant, le décollement du matériau au niveau de son épiderme, vivre le changement d'état d'une enveloppe molle et mouillée en une coque sèche et dure lui procurèrent la sensation intense de vie et de réalité de son propre corps qui subissait là une expérience d'enfermement. Un enfermement divin où il rêva de rester, protégé, caché, au chaud. Nulle douleur locale, nulle fatigue, aucun malaise ne modifièrent la pose initiale. Il se sentait bien, il aurait pu rester ainsi des heures, caressé, caparaçonné dans cette armure soyeuse et rêche à la fois. La douceur chaleureuse de cette matrice, il avait dû la ressentir dans le ventre de sa mère avant d'en être expulsé, avant d'être abandonné au froid pour toujours. Sur le corps, dans le cœur, un blizzard avait soufflé en permanence. Sur ses années d'enfance et d'adolescence, l'hiver s'était abattu.

— Écoute avec attention, Sergio : quand Gertrude est prête, elle commence à s’extirper lentement de son exuvie, sa vieille armure vide, en dégageant ses pattes. Après ce périlleux exercice, elle se repose dans son pyjama souple. Ses chairs n’étant plus soumises à la compression exercée par son exosquelette, elle voit sa taille sensiblement augmenter et la cuticule durcir à l’air, transformée en une nouvelle carapace. C’était la mue de la tégénaire. Ça t’a plu, Sergio ?
— Qui est-ce, Gertrude ?
— Mon jardin secret où tu pénètres peu à peu.
Sergio l’embrassa longuement. Milosz ne bougeait pas. Il se concentrait sur l’instant précis où il sentirait son corps se libérer peu à peu des fragments de plâtre que Sergio aurait à combler d’argile. C’est là que se déploierait tout son talent de créateur. Il n’attendait plus que la touche finale. Ce serait à coup sûr la pièce maîtresse la plus surprenante de l’exposition.
Milosz quitta l’atelier sans prendre de douche. Sa nouvelle peau de bébé, marbrée de halos blancs, sentait la délivrance d’une naissance sans douleur, libérée de sa matrice rigide et froide.