La nostalgie de l'avenir
La nostalgie de l'avenir est une version de chambre de La Mouette, resserrée sur six personnages et trouée d'inserts : textes, vidéo, musique. Elle commence par la fin, avec la scène par laquelle Tchekhov ferme sa pièce : Constantin Treplev vient de se suicider. C'est d'emblée la stupeur qui ouvre le jeu. Un jeune homme est mort trop tôt, et le sol se dérobe sous les pieds. Le coup de feu est l'écho terrifiant d'une fêlure dans la transmission : quelque chose s'est passé, quelque chose n'est pas passé. Les souvenirs, alors, tombent comme une pluie. Les scènes de La Mouette se succèdent dans le rythme des averses d'entre-saisons, et dans le désordre spiralé de la mémoire qui recompose ce qui ne veut pas se laisser dire. Averses interrompues par des syncopes, des noirs, des digressions. La mémoire au travail est comme une musique.
Le jeune écrivain laisse une œuvre inachevée et une famille en deuil. Dans cet après-coup, ses proches convoquent leurs souvenirs, cherchent à comprendre et à savoir. Avec amour, intensité et violence. Comme dans une maison à l'éclairage instable, la pièce clignote et bascule d'un temps à l'autre. Scènes douces-amères, parfois drôles, qui capturent la vie qui s'affirmait; mais soudain, un doute : peut-être sommes-nous dans le temps du deuil, et nous parlons avec des fantômes. Un objet est au centre de tous les intérêts, que tous auscultent comme une archive encore chaude : l'ordinateur du jeune artiste, qui se filmait, prenait des notes, tenait son journal. Car la pièce a lieu ici et maintenant. Constantin Treplev, l'artiste des "nouvelles formes", n'affiche pas le masque icônique de l'artiste maudit du XXe siècle; c'est un jeune homme d'aujourd'hui qui fictionne sa vie et enregistre tout. Trop peu protégé, sans doute, toujours disposé à s'abandonner.
Fiche
- Année
- 2012