Pascale Tison

  • Spectacle vivant / Écrit / Son

Dis-moi que je t´aime

'Dis-moi que je t´aime' raconte les retrouvailles de deux frères ennemis que le passé à travers la guerre 40 et l´amour d´une même femme ont séparés.

Fiche

Extrait

Emmanuel: Oui, la belle Marie. Quand je l´appelle comme ça, c´est comme la mer au crépuscule, sans une ride. Comme si je posais un voile sur sa tête. A trente ans, on était pauvres. Cela va de soi. Cela va avec la vigueur de l´artiste, son sérieux, sa santé. Et puis Adèle a dressé ses poings contre l´avenir. La pauvreté, on sait la chamer par de petites magies, la sauge et les confitures de Marie. Pour elle, la nourriture est un acte pieux. Mais Adèle réclamait du bon sens. Les enfants sont vieux comme les chemins, tu sais.Ils se moquent des petites magies. Ce qu´ils réclament, c´est un papa et une maman comme tout le monde. Pas un rastaquouère qui enlève sa mère tous les dimanches à moto pour renouveler l´acte fondateur et le sceller. Alors, pour Adèle en larmes et ses petits poings dresssés, Adèle qui avait peur de la moto tous les dimanches matins, cela a été dessinateur. Dessinateur de l´envers de la terre. Elle fait des livres ma fille. Elle a bien tourné. C´est elle l´artiste, cela a sauté une génération au boulier compteur. Une occupation comme une autre, dessiner des plans. Parce que peindre, cette anomalie catastrophique, vide, jaune or numéro 3, pur soleil, des apparences inhabitables à force de vouloir rendre le monde, des hommes irreprésentables à force de vouloir être au plus proche d´eux, une Marie moins belle que la vraie... Eh bien, la peinture m´a déserté. Je tançais ce désert, je me répétais: il n´y a pas de danger, il n´y a pas de danger. Je regardais la main de Marie endormie et cela valait mieux que les pompeuses balivernes que je m´étais raconté. Quand j´avais raté un tableau, je me mettais les doigts sur la figure et Marie m´appelait le Sioux. A la fin, elle m´appelait tout le temps le Sioux. Le Sioux, c´était devenu la figure de l´échec.