Passés imparfaits

Fiche

Visuel
Année
2012
Édition
Ed. Luce Wilquin

Extrait

Qui aurait imaginé qu’elle et moi, nous puissions à nouveau être réunis ? Réunis... c’est beaucoup dire : je suis assis parmi quelques centaines de personnes qui la regardent et, surtout, qui l’écoutent. Pour elle, nous ne formons qu’un. Nous sommes le public, je fais partie du public.
Avant, nous formions un couple. Elle étudiait au conservatoire, je travaillais et nous nous aimions. Le violoncelle était déjà là mais il ne me dérangeait pas. J’ai toujours aimé la musique classique, et cet instrument est agréable à écouter. Nous nous parlions peu. Les multiples répétitions, les passages difficiles sans cesse recommencés tissaient un fond sonore qui meublait nos silences. Je crois que nous étions heureux. Ensuite, elle a eu de la chance et les concerts ont succédé aux concerts. Après quelques années, elle prenait l’avion comme d’autres prennent le bus. Moi, je continuais tous les jours à me rendre, en train, au ministère. Nous nous parlions de moins en moins.
Un jour, j’ai trouvé une lettre sur la table de notre salon. Elle m’annonçait son départ et sa volonté de se consacrer tout entière à son art. Elle me laissait la maison et n’avait pris que ses vêtements et, bien entendu, son instrument. Le divorce s’est bien passé : nous n’avions pas d’enfants, elle prenait les torts à sa charge... L’envie de clore un chapitre de sa vie qu’elle souhaitait oublier...
Je n’ai plus jamais écouté de violoncelle.