Philippe Blasband

  • Audiovisuel / Spectacle vivant / Écrit / Son

Les mangeuses de chocolat

Dans ce groupe de thérapie où trois patientes doivent soigner leur dépendance au chocolat, la thérapeute assiste, impuissante, à une véritable mutinerie qui remet son propre rôle en question. Une pièce drôle et efficace, devenue en quelques mois un "classique" du genre ! (www.lansman.org) La pièce a été créée à l’Atelier Saint-Anne en février-mars 1996, dans une mise en scène de l’auteur, avec Claire Bodson, Jacqueline Bollen, Muriel Jacobs et Michelle Schor. Traduction et production en catalan. Représenté en italien en février 2005 au Théâtre Stanze Segrete de Rome. ("Le mangiatrici di cioccolata", mise en scène d'Edoardo Rossi, avec Daniela Calò, Sonia Fiorentini, Emanuela Ponzano, Véronique Vergari). En néerlandais dans une mise en scène d’Adrian Brine au Raamteater d’Anvers.

Fiche

Année
1996

Extrait

LA THERAPEUTE Bien. Voilà. Ça doit vous sembler un peu contradictoire, ou cruel, de commencer une réunion comme ça, en vous mettant tout ceci devant vos yeux – du chocolat, n’ayons pas peur de dire le mot : chocolat, chocolat, chocolat. Oui, ça doit vous paraître bizarre, mais nous nous sommes rendus compte, mes collègues du centre et moi, nous nous sommes rendus compte que les patients, à la fin de la séance, se précipitent à l’épicerie la plus proche – à droite, ici, juste derrière le coin – et la dévalisent de tout son chocolat. À force d’en parler pendant la séance, l’envie de chocolat, chez les patients, devient de plus en plus forte, jusqu’à atteindre un point de non retour, un point d’explosion, je dirais même, un point où ils doivent absolument consommer du chocolat. Ce qui n’est pas le but recherché par ces séances, que du contraire !… Alors, on a trouvé cette parade. Ce n’est pas de la torture mentale, non, non, vous pouvez vous servir, vous pouvez en manger un bâton, ou tout manger, si vous en avez envie – en général, les patients ne le font pas… enfin, peu… enfin c’est rare… enfin, vous pouvez. Nous sommes d’accord ? Bien. Cette première séance, c’est pour se rencontrer, se connaître, se rendre compte qu’on n’est pas seul, que d’autres ont un problème avec le chocolat, un problème semblable au sien, et en même temps différent, prenant des formes différentes ; et c’est cela qui est important, ces formes différentes, la confrontation de ces formes différentes ; c’est fondamental, la confrontation, sentir l’autre, soutenir l’autre, aider l’autre, ne serait-ce qu’en l’écoutant, pour s’aider soi-même. Trop souvent, quand on mange du chocolat, on est seul, on le fait presque en cachette, comme si c’était une chose honteuse, comme si on se… – vous voyez ce que je veux dire – et il faut absolument rompre cet isolement, il faut absolument accepter son problème comme étant un problème, un problème partagé par d’autres personnes, vous faites partie d’une communauté – le mot est lâché, le mot «communauté», un mot capital – et ce n’est qu’au sein de cette communauté, grâce à cette communauté, que vous allez enfin pouvoir résoudre votre problème… C’est pour cela que nous sommes ici. Toutes ensemble. Réunies…