Partie remise

A la manière cinématographique, des plans saisissent des situations, des observations, des références, ancrées dans le Louxor d’une Egypte palpable. Ils construisent le portrait d’un personnage toujours à l’affût de ses rapports avec le monde et autrui.

Les plans s’enchaînent par analogie, association, contraste. Dissonance, drôlerie, humour décalent le regard de la trame du récit.

Un travail rigoureux sur le rythme, la musicalité, la syntaxe, le lexique confère au texte force expressive et densité.

Le texte varie les registres et les modes d’énonciation. Il invite le lecteur à une participation active. C’est lui qui fera que la partie sera ou non remise...

Fiche

Visuel
Année
2019
Édition
Autoédition

Extrait

Poigne brutale sur ma gorge nouée. Quelques âmes moribondes au guichet des entrées et aussitôt je pars en vrille, bien au-delà des forces de ma raison. La sueur de l’alarme, la hantise du chapelet qu’on égrène à s’en blesser les doigts. On se donne une contenance, on sourit vaguement sans y croire. On compose, on pondère. Du grain à moudre. Rien ne vaut, tout est frime. Ce n’est pas moi là, pas Eliott non plus. Une chimère qui s’arrache comme une écharde, qui s’égare, douloureuse. Pas nous. Et pourtant là, comme des pions jetés au hasard, puis laissés en pâture à qui veut s’y méprendre, médiocres, inutiles, si loin, si proches, trop proches, rien à se dire. Désemparés. La foule gicle dans mes tempes, m’asphyxie, me garrotte. Tenace, je me prétends que je peux faire preuve de discernement, que je peux faire la part des choses, les quidams par là et puis nous quelque part, entre savane et singularité. J’y racle cent pas, mille pas, creuse le temps, creuse le damier, par la gauche, par la droite, par la gauche, par la droite, les bottes battent, ricochent au défilé des oies. Ce n’est pas tant la promiscuité que la distance qui s’engouffre, me trépane, m’éviscère. Je m’échappe, étranger à moi-même, dépossédé, aliéné. Exilé, je me mire au faucon rivé à la muraille, ses yeux de lune et de soleil, pathétique, impuissant. Comme lui, je m’évade, je prends la tangente, je souris aux images d’un monde vacillant, si loin déjà. Je l’ai reconnu à l’instant, assis sur un sphinx de l’allée majestueuse, teint blême. Eliott avait pris position à deux pas, sentinelle des absents, digne, un peu raide. Son nom m’échappait, mais, à coup sûr, c’était bien lui, l’homme aux triangles, qui hochait la tête machinalement, puisque l’ombre projetée par son gobelet était trois fois supérieure à la hauteur de ce dernier, qu’il suffisait dès lors de diviser par trois la longueur de l’ombre projetée par l’obélisque pour en connaître la hauteur. Ce qui est vrai est beau, et simple, toujours. Soit. Eliott poussa le zèle jusqu’à calculer la cambrure des touristes aguichantes, asiatiques pour la plupart, taille de guêpe, jambes de faons. Tout un bestiaire. Affairées, bruyantes. Il souriait lui aussi, dérisoire. Moi, c’est Eliott, enchanté.  

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