La résistante
Fiche
- Année
- 2002
Extrait
Enfant-soldat : Tu ne l´écris pas parce que tu n´oses pas. L´auteure : Pas quoi? Enfant-soldat : écrire le serment. L´auteure : Ah bon? Pourquoi? Enfant-soldat : Parce que tu simules. Tu te fatigues à inventer ce qui est vrai. C´est une fatigue de merde. Ca sert à quoi que tu m´inventes, alors qu´il y en a des milliers qui... L´auteure : On a dit pas de quest... Enfant-soldat : Pas de réponses non plus, alors? Rien que tes mots qui font les questions et les réponses, c´est ça? Comme ça tu ne risques pas de courant d´air, assise à ta fenêtre d´où tu regardes le monde dans ta maison chauffée qui sent le linge blanc. L´auteure : Je n´écris pas ça. Enfant-soldat : Tu le penses. L´auteure : Tu dis ce que j´écris, pas ce que je pense! Continue! Enfant-soldat : Et on dit les mots du serment qui sont "Je jure de donner la mort jusqu´au dernier puis de mourir pour gagner le paradis." Voilà, sont ça les mots du serment. Et on jure de le faire. On jure que ce ne sont pas que des mots. Puisque on va le faire. C´est pas comme les mots que je dis. De merde. Qui ne sont rien que des mots qui ne servent à rien. L´auteure : Je t´ai déjà dit... Enfant-soldat : "Enfant-soldat treize ans dans le village de Tharros au temps de mes mots pas de questions", je sais. Et tu crois que ça fait vrai? Je raconte l´assaut, tu veux? On va voir si tu fais mieux qu´à la télé, quand à la télé il y a la réalité. Qui n´est pas encore la réalité qui est dans la réalité, puisque c´est dans la télé. Mais au moins on va voir si tu fais aussi bien que la réalité qui est dans la télé et qui n´est pas la réalité, ok? On va voir. á moins que tu ne m´appelles autrement. Dis? Tu veux pas me donner un deuxième nom, dis? Et comme ça je peux parler des casseroles et des chaussettes, si tu veux. Je peux même chanter, si tu me donnes un deuxième nom. Je suis enfant-chanteur, tu veux? Pas soldat, chanteur, enfant-chanteur. écoute c´est le chant de l´oiseau qui dort. "Dors, dors, l´oiseau d´or, si tu dors, d´or tu te réveilleras riche. Riche tu te révelleras d´or." C´est comme ça que je m´endormais, je me souviens. Il faisait bon dans ces bras-là. Si je ferme les yeux je sens encore l´odeur. Ca sentais... une fleur. Je le sais parce qu´un jour, plus tard, j´ai senti la même odeur et j´ai vu la fleur. Mais il n´y avait plus les bras. á tes ordres!? L´auteure : Et si je t´appelais le dernier Enfant-soldat? Enfant-soldat : Tu mens. M´étonnerait que je sois le dernier. L´auteure : Tu te sentirais seul ? Enfant-soldat : Tu mens. L´auteure : Je ne fais que ça. Tu as dit je "simule", c´est plus juste. Enfant-soldat : Tu as écrit : "Enfant-soldat treize ans dans le village de Tharros au temps de mes mots." Tu n´as pas dit le dernier. L´auteure : J´ai écrit qu´il n´y avait plus qu´une femme dans tout le village. Une seule. Ce sont deux vies. L´une porte l´autre. Enfant-soldat : Tu m´as dit... L´auteure : J´ai écrit que tu as tué jusqu´à elle. Qu´à elle tu t´arrêtes. Que tu ne la tues pas. Que tu ne tues plus! J´ai écrit que tu ne tues plus et que tu parles.