Notre salle comptait cent couchettes superposées. Pas de WC, juste des trous, dans la cour. Une casserole d’eau chaude servait aussi bien de soupe que de café. On recevait un peu de pain. Les plus chanceux recevaient des colis. On devait se présenter à l’appel, de nuit comme de jour, sous la surveillance de SS qui avaient une cravache à la main ou un pistolet à la ceinture. Moi, j’étais déjà heureux de ne pas être séparé de ma mère et de ma sœur. Avec d’autres enfants, je m’entraînais à sauter de la couchette supérieure car on parlait de bientôt nous emmener en train… On est resté là un mois. Puis, des rumeurs ont parlé d’un prochain départ. Et le dimanche 19 avril, on nous a juste dit que nous partions pour un camp de travail, à l’Est On a fait la file longtemps avec ma mère. Ma sœur, accoudée à sa fenêtre, nous regardait. Quand ils ont appelés nos numéros, on est montés dans un wagon. A l’intérieur, de la paille. La porte s’est refermée. On était 50 prisonniers. Le verrou a claqué. Nous avons attendu plusieurs heures avant que le train ne démarre. Le 19 avril... Mon père, ce jour-là, avait tout juste 46 ans. Je me suis endormi dans ce wagon. Quand ma mère m’a réveillé, la porte était grand ouverte ! Ma mère m’a dit Saute, elle m’a lâché, et j’ai sauté… Si j’avais su que maman ne sauterait pas, je serais certainement resté avec elle…