Un 4 juillet

Quatre ados partent en vacances... La liberté, l'amitié, qu'ils pensaient ! Sauf que ça va mal tourner...

Fiche

Année
2005
Édition
INCONNU

Extrait

On s'enfonce dans le bois. C'est humide et froid. J'ai mon asthme qui me reprend. En plus, mes bottines sont nases et c'est plein de boue. Lui, il est toujours équipé comme un para. Je me demande d'ailleurs où il trouve la thune. On arrive dans une grande clairière avec, au milieu, une prairie. Je suis content de revoir le ciel. Je m'assieds. J'ai faim mais j'ai rien pris. Je pensais pas qu'on allait quitter la route. J'ai les 6000 balles que j'ai tirés à ma mère pour le camp, mais pas un biscuit ! Colonel, il transporte un vrai garde-manger. Mais je sais qu'il partagera. Il aime bien se faire prier et moi, je suis doué pour faire la pute. On s'arrête : il doit chier ! Comme mon t-shirt est trempé (je ne sais pas si c'est de la sueur ou bien cette saloperie de brume qui flotte dans le bois), je me mets torse nu. Colonel se marre. Espèce de gros tas ! Tout dans la masse et un courant d'air dans le crâne. Je profite de cet arrêt pour prendre la carte. Elle est couverte de traces de graisse. On est où ? J'ai peur qu'il nous ait perdus. Ses coups de crayon filent vers l'Est. Je suis sûr qu'on part dans la mauvaise direction. Bon, c'est pas gagné mais au moins on a bouffé, je respire à nouveau, et c'est moi qui ai la carte et la boussole. J'entends souffler Colo et je sens son regard dans mon dos. Je m'arrange pour faire une grande boucle, qu'il ne comprenne pas qu'on est en train de faire demi-tour, sinon, faudra que je lui explique. On devrait être sortis du bois, et on entre dans une sorte de fouillis de bouleaux. Les craquelures et les bourrelets sur leur tronc, on dirait des visages dessinés sur le blanc de l'écorce. Ça commence à ressembler vachement à Blairwitch. Merde, je pense que Colonel avait raison. Et que c'est moi qui nous ai paumés ! Cette ligne électrique qu'on a traversée. Puis ce train qu'on a entendu. Ils sont bien à l'Est. Il s'est rendu compte qu'on tournait en rond. Il pose trop de questions. Il faut pas qu'il sache que c'est moi, sinon, il va me tuer. J'ai la trouille. Je sais pas de quoi j'ai le plus peur : la forêt ou sa colère ? En plus, il commence à pleuvoir. J'essaye que mes poumons sifflent pas trop fort. J'ai déjà pris deux puf mais ça suffit pas. On est paumés, c'est clair. S'il dit rien, c'est qu'il croit encore que c'est lui qui a pas assuré. Faut qu'il continue de le croire, c'est la seule chose que je sais. Je pouvais plus avancer, il fallait qu'on s'arrête, j'avais plus de souffle, alors j'ai engueulé Colonel. Je lui ai montré la carte et je l'ai baratiné. Côté arguments, c'est pas difficile de le battre. Je pense que ça a marché. Il a rien répondu; il a juste dit : Il commence à faire noir. On va s'arrêter et pieuter un peu… Je sais pas comment on va sortir de là. Il fait noir, noir, noir. Je n'aurais jamais cru que l'obscurité pouvait être si profonde. Pas un souffle de vent. Et ce silence. Pas un cri de bête, j'entends même pas Colonel. Juste ma respiration qui siffle. Et mon corps comme une prison…