Sandrine Willems

  • Écrit / Audiovisuel / Spectacle vivant / Son

Le Sourire de Bérénice

« De Bérénice, on ne sait presque plus, aujourd’hui, que ce que Racine en raconta. Or l’histoire de cette princesse juive s’avère encore plus romanesque, voire plus tragique, que l’œuvre du tragédien : arrière-petite-fille de l’Hérode qui massacra les Innocents, petite-nièce de celui qui laissa tuer le Christ, épouse de son oncle et maîtresse de son frère, ne fût-ce que par sa famille Bérénice était vouée à la plus en vue des scènes. Par cette lourde origine, d’emblée elle fut aussi tiraillée entre Juifs et Romains, au moment des sanglantes révoltes qui aboutirent à la ruine de Jérusalem. Ce fut Titus lui-même, son amant à venir, aux yeux des siens à jamais faisant d’elle une traîtresse, qui incendia le Temple ; l’amour du jeune guerrier et de la reine, de treize ans plus âgée, dès l’abord eut l’éclat d’un bûcher. Ce qui suivit fut à la hauteur : un voyage en Egypte, où se hissant au rang des dieux de ce pays, Titus sacra le taureau incarnant sur la terre Apis ; un débarquement près de Pompéi, sur les traces de cet apôtre Paul dont les prêches avaient tant marqué Bérénice ; puis une année à Rome, où Vespasien, père de Titus, en prenant le titre d’empereur avait fait de son fils l’héritier de l’Empire. Celui-ci n’en promettait pas moins à sa reine juive de l’épouser – mais les pressions du peuple, et de son père, finirent par l’en dissuader. Bérénice fut répudiée, et s’en retourna vers sa patrie qu’elle avait si souverainement reniée. Elle y demeura, et peut-être y pleura, plusieurs années durant ; mais aussitôt eut-elle appris la mort de Vespasien, et l’accès de son fils au pouvoir, qu’elle accourut à Rome, sûre d’y retrouver son amant enfin libre. Titus ne daigna pas seulement la voir. De Bérénice, on ne sait plus alors rien – sinon qu’elle mourut l’année même de cette trahison ; l’année, pareillement, de l’éruption du Vésuve, qui anéantit Pompéi…» Sandrine Willems

Fiche

Année
2004
Édition
Les Impressions Nouvelles