Être moi toujours plus fort

Ostende, début XXe. Un jeune peintre mélancolique, Léon Spilliaert, scrute la mer à travers l’obscurité. Il porte un nom flamand ; admire son compatriote Ensor ; est hanté par la géométrie instable de sa ville natale et par la vie secrète des apparences et des ombres. Un siècle plus tard, Stéphane Lambert revient sur ses terres, et entreprend à son tour ce même voyage géographique où les pensées se confondent à l’univers trouble du peintre. Car l’art est toujours un miroir poreux.

Fiche

Année
2020

Extrait

Par où commencer ? Par un vertige. La vie a commencé par un vertige. J’ai cru que le bruit de la mer allait m’engloutir. Puis ce bruit est resté – et j’ai toujours eu peur. C’est là qu’on m’a fait naître. Au bout du monde, face à la mer – dans cette frontière poreuse entre le solide et le trouble. Ostende était encore une station à la mode. L’été, les élégants se mêlaient aux pêcheurs. Façon de parler, car il n’y avait rien de commun entre ces deux espèces. Sinon mon regard qui jouait à les traquer. J’écris des poèmes que je jette, les mots s’arrêtent toujours là où je voudrais commencer. Et il y a plusieurs choses à dire. D’abord, l’étrangeté. Parfois je reste des après-midis entiers dans le laboratoire paternel. Je regarde, médusé, les flacons de parfum. Ils ont la même densité qu’un homme qui dort. Cela remue intérieurement. J’aimerais extraire l’essence de ce que je vois. La réalité de ce qui estest bien plus qu’une image finie. L’idée bouge au fond de la nuit. Je suis né dans un monde étrange, et je n’ai pour l’approcher que l’étrangeté des sensations.