Enjeu

scène aux ados, volume 15, collection printemps théâtral

Et vraiment, le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades de football, qui resteront mes vraies universités. Albert Camus, 1959

Jouer, en sport comme en théâtre* Dresser un tableau certes incomplet, néanmoins évocateur de l'univers du sport. Relever les points communs avec le monde du théâtre. L'échauffement. Les rituels, gestes mille fois répétés. Enfiler son équipement, son costume dans les coulisses, les vestiaires. Le nez de Cyrano et le protège-dents. La tension et l'attente de la compétition, la représentation. Le bon dosage entre le talent et la chance. Beaucoup d'appelés, peu d'élus. L'importance du corps, la blessure fatale. La nécessité de jouer, peu importent les circonstances. La troupe comme une équipe. Deux univers qui charrient bien des rêves et idées reçues. Et toujours, les émotions qui surgissent, qui bouleversent, celles de l'athlète/acteur, amateur ou professionnel, et celles du spectateur. Passions générées par ces deux pratiques ancestrales, qui se partagent le verbe JOUER.

Fiche

Année
2019
Édition
Lansman
Production
ithac asbl.

Extrait

Il y a la mouvante. Je la chasse de l’épaule, elle descend dans le coude, pour terminer sa course dans le poignet. Il y a la docile, celle qui se laisse dominer.  Il y a l’assaillante, qui monte au front sans prévenir. Il y a la têtue, qui vient se lover dans son coin préféré, s’y installe et s’y accroche, tel un migrant à son bout de rafiot, avec l’énergie du désespoir. Il y a l’enseignante, celle qui te révèle un nerf dont tu n’avais pas encore connaissance. Il y a la glaciaire, la paralysante, celle qui t’anesthésie, te tétanise, te cloue sur place, t’empêche de te relever, telle une confrontation avec Sébastien Chabal. Il y a la cannibale, celle qui grignote chaque miette de ton cerveau, qui ne laisse de place pour aucune autre pensée. Il y a l’effacée, après la piqure de cortisone. Il y a l’intermittente, qui se fait oublier pour se rappeler à ton bon souvenir au moment où tu poses le pied sur le tatami. Il y a la salutaire, celle qui met un terme à ton entrainement. Il y a la fidèle, celle qui t’accompagne toute ta vie, comme un bon chien-chien à sa mémère. Enfin, il y a celle que tu savoures, celle qui raconte le devoir accompli, la preuve irréfutable : jamais tu ne seras une mauviette, un tir au flanc. Celle qui fait mal, mais qui fait du bien. Une jouissance atroce. Une douleur exquise. Joli oxymore, n’est-ce pas ?