Le Cardinal Suenens,
un ancien dont l’Institut Sainte-Marie peut être fier

Nombreux sont les anciens de Sainte-Marie dont « la maison chérie » a le droit d’être fière. Sur le site de l’Institut, on peut retrouver une évocation de plusieurs d’entre eux. Pour ma part, me vient à l’esprit Marcel CROCHET, aujourd’hui baron, dont j’ai été condisciple pendant toutes mes humanités et qui termina sa rhéto en 1955 avec la médaille d’or. En 1995, il succéda à Pierre MACQ, comme deuxième recteur laïc de l’Université Catholique de Louvain, poste où il effectua deux mandats jusqu’à son éméritat en 2004. Je pense aussi à Rudi VERVOORT, d’une génération beaucoup plus jeune, qui en 2013 succède à Charles PICQUÉ comme Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, poste qu’il occupe jusqu’à ce jour. Bien qu’il ne s’en revendique guère voilà un autre illustre ancien de Sainte-Marie. Le samedi 19 octobre de cette année-là, il fut d’ailleurs l’invité d’honneur du 92e banquet des anciens.

Dans cette brève note, c’est la mémoire du cardinal Léon-Joseph SUENENS que je voudrais évoquer. Il n’est guère aisé de retracer en quelques lignes une vie aussi foisonnante et si riche en initiatives et en réalisations qui ont marqué son époque et dont les retombées sont encore bien vivantes aujourd’hui.
Fils de Jean-Baptiste SUENENS et de Jeanne JANSSENS, Léon-Joseph SUENENS est né à Ixelles, le 16 juillet 1904. Enfant unique, il n’a que quatre ans lors du décès de son père. Élève à Sainte-Marie, il y termine ses études en 1921. Après le Grand Séminaire de Malines, et son ordination comme prêtre en 1927, il poursuit sa formation au Collège belge de Rome. Il présente un doctorat en philosophie et théologie, puis enseigne jusqu’en 1940 au Grand séminaire de Malines. Durant toute la guerre 40-45, il occupe le poste de vice-recteur de l’Université Catholique de Louvain. En décembre 1945, il est nommé évêque, pour seconder le nouvel archevêque de Malines, le cardinal VAN ROEY, dont il sera Vicaire général et auquel il succédera en 1961. Élevé au grade de cardinal par le Pape Jean XXIII, en 1962, il occupera la fonction d’archevêque de Malines-Bruxelles jusqu’en décembre 1979. Âgé alors de 75 ans, il prend sa retraite et cède le poste au Cardinal Godfried Daneels désigné par le Pape Jean-Paul II pour assurer sa relève. Victime d’une thrombose, il décèdera à Bruxelles, à l’hôpital Saint-Jean, à près de 92 ans, le 6 mai 1996.

Je n’ai guère connu personnellement le Cardinal SUENENS, mais c’est lui qui a confirmé mes deux plus jeunes frères en la chapelle de l’Institut Sainte Marie le 8 juin 1955. Je me souviens qu’à l’Institut on entretenait une sorte de vénération autour de sa personne. Car il est vrai qu’il a marqué le siècle dernier et s’est illustré notamment lors du concile Vatican II. Il a participé activement à la commission préparatoire de ce concile, dont il fut l’un des principaux protagonistes. Il y a joué un rôle majeur, notamment dans sa fonction de modérateur. On le retrouve, aux côtés du cardinal Montini (le futur Pape Paul VI) parmi les membres du Secrétariat des Affaires extraordinaires, organisme créé avec comme mission de conseiller le Pape sur les décisions à prendre lorsque des cas spéciaux lui sont soumis.

Très actif dans le mouvement Légion de Marie, il fut aussi un fervent artisan de l’œcuménisme et un des principaux promoteurs du Renouveau charismatique. Il a largement contribué à la restauration du diaconat permanent dans l’Église catholique, qui, peu après Vatican II, a été instauré le 18 juin 1967 par un Motu proprio du Pape Paul VI. Retombée presque immédiate dans notre pays où, en décembre de la même année, était ordonné le premier diacre permanent.
Très proche de la famille royale, où il était fort écouté, il a consacré un livre à l’image du Roi Baudouin : « Le Roi Baudouin, une vie qui nous parle » (1995).
Le cardinal Suenens est l’auteur d’une bonne dizaine d’ouvrages de théologie et de spiritualité, dont notamment :
L’Église en état de mission (1955),
Amour et maîtrise de soi (1959),
La coresponsabilité dans l’Église d’aujourd’hui (1968),
Une nouvelle Pentecôte (1974)
Souvenirs et espérance” (1991), auquel l’Académie française a décerné le «Grand Prix de la Francophonie».
Ces différents titres illustrent bien ses principales préoccupations et ses engagements : la mission de l’Église dans le monde contemporain, le rôle des laïcs dans la communauté ecclésiale, la question de la limitation des naissances, l’introduction et le développement dans l’Église catholique du renouveau charismatique « ce flot de grâce », hérité notamment du mouvement protestant américain au sein des Églises dites «du Réveil»…
Comment mieux rendre présent parmi nous aujourd’hui l’esprit qui l’anima que de reproduire une prière du matin qu’il composa à Malines, le 6 juin 1959 ?
Prière du matin
Seigneur, dans le silence de ce jour naissant,
Je viens Te demander la paix, la sagesse, la force.
Je veux regarder aujourd’hui le monde
Avec des yeux tout remplis d’amour,
Être patient, compréhensif, doux et sage
Voir au-delà des apparences
Tes enfants comme Tu les vois Toi-même,
Et ainsi ne voir que le bien en chacun.
Ferme mes oreilles à toute calomnie,
Garde ma langue de toute malveillance.
Que seules les pensées qui bénissent
demeurent en mon esprit.
Que je sois si bienveillant et si joyeux
Que tous ceux qui m’approchent sentent
Ta présence.
Revêts-moi de Ta beauté, Seigneur,
Et qu’au long de ce jour je te révèle.
Malines, 30-6-59
† L. J. Suenens, Vicaire général.

Faisons nôtre cette prière ! Qu’elle vivifie nos journées ! Y-a-t-il meilleure façon de perpétuer en nous et parmi nous la présence de cet illustre ancien de Sainte-Marie ?