Tina Noiret

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3 hommes gagnent le prix de l'égalité 2007

3 hommes gagnent le prix de l'Egalité 2007   2007, année de l'égalité des chances pour tous -   Cette semaine à la plénière, les députés européens se sont prononcés sur un rapport de la commission des droits de la femme sur la "feuille de route" pour l'égalité entre hommes et femmes. "L'égalité entre les femmes et les hommes est un droit et un principe fondamental de l'Union européenne", reconnu par les traités instituant la Communauté européenne et par la Charte des droits fondamentaux dans son article II-83 du Titre III. C'est une exigence transversale à toutes les politiques, selon le principe du mainstreaming, la clé au développement soutenable, dans nos pays comme sur d'autres continents. Malgré cela, force est de constater que de nombreuses inégalités subsistent. Ainsi, l'écart des rémunérations : dans l'UE-25 les femmes gagnent toujours en moyenne 15 % de moins que les hommes. Leur droit moindre à la pension en atteste souvent, et encore aujourd'hui dans nos pays, une femme sur trois est victime de violences domestiques, la cible principale dans les cas de harcèlement sexuel ou moral. Les femmes ne sont toujours pas représentées dans les lieux et les postes de décision, et ne participent pas encore à égalité à la société de l'information (il y a une "fracture numérique" liée au genre). Faut-il mentionner ce qui se passe ailleurs, du trafic des femmes à l'excision, lorsque même le journal gratuit "Metro" signale qu'en Europe il y a moins de 2% de femmes à occuper des positions-clés dans l'administration ou l'industrie. En toile de fond de ces débats, "ébats" d'une justice en marche, la semaine précédente, à l'occasion de la Journée Internationale de la Femme, le Parlement européen récompensait pour la troisième fois les meilleures pratiques et role model en matière d'égalité et de diversité au sein de son Secrétariat. Et ce sont trois hommes qui ont gagné les 3 prix de l'Egalité. Sans faire une analyse sémiotique profonde, ce fut assez interpellant, du lieu unique d'où je puis parler, ma voix, mon expérience et mon vécu personnels et inaliénables de remarquer cette frêle statuette, d'abord entre les mains d'une charmante jeune femme de l'Unité Egalité des Chances, élégamment vêtue et silencieuse, très comme il faut (détails sur lesquels on ne s'arrêterait même pas s'il s'agissait d'un homme), ensuite aux mains des meilleurs exemples de l'égalité en ces enceintes. C'est une statuette antique, une joyeuse et frêle petite grecque esquissant un pas de danse qui a été sélectionnée comme trophée, un trophée que des hommes se sont allègrement attribués entre eux, garants de son sens, dépositaires de sa fragilité d'objet inerte et de sa Joie de danseuse éternelle. Les hommes ? lorsque l'on sait qu'au Secrétariat du PE il y a plus de femmes que d'hommes on en vient forcément à la question de la solidarité féminine. Et de se souvenir de certaines allégations de la psychanalyste Luce Irigaray, concernant les irrépréssibles rivalités qui naissent entre nous à l'apparition du "mâle" séducteur .... Des études ont d'ailleurs prouvé qu' à compétences égales, si c'est une femme qui occupe la fonction de recrutement, un homme sera sélectionné de préférence ... Il est alors impossible concernant la cérémonie de remise de ces trois prix à trois hommes par le Parlement européen à l'occasion de la Journée de la Femme de ne pas se référer aux modèles séculaires, aux clichés, et à leur signifié sous-jacent : "sois belle et tais-toi", injonction silencieuse, norme tacite. Les stéréotypes de genre sont ainsi une norme sociale, par l'absence même de modèles de femmes pour prendre la parole. Les modèles de l'égalité sont ici des hommes exclusivement. Par conséquent, les meilleures pratiques cette année n'indiquent pas de modèles identificatoires féminins qui permettraient une prolifération du sens vers l'égalité à l'avenir. Le concept de bonnes pratiques, le fondement du signe de l'égalité, est ici un code construit exclusivement masculin. A la fois monopole social de l'homme qui a la parole, le leadership, et intériorisation par les femmes d'une inaptitude à la parole, exclusion visible des femmes de l'avant-scène publique, de la structure hiérarchique et du pouvoir, du succès, des applaudissements. "Sois donc belle et surtout tais-toi" ? Les femmes elles-mêmes avaient eu l'occasion et le droit de voter pour des candidates mais elles ne l'ont pas fait. L'égalité, oui, mais pas aujourd'hui, pas ici, pas pour nous. Et puis, n'y a-t-il pas d'autres inégalités, d'autres oppressions, plus graves et plus légitimes que celles du genre ? Gays, lesbiennes, minorités ethniques, handicapés — ne sont-ils pas lésés ? Et tel chef ne représente-t-il pas mieux ce que je suis que moi-même, ou mon alter ego féminin à la voix "mélodieuse et douce à blesser" ? Où sont les femmes leaders au Parlement européen, où sont les porte-parole féminins de l'égalité et de la diversité ? Quelle image, non pas dans le medi@, mais ici même, aujourd'hui ... Silencieuses, invisibles, nous étions là cependant et nous nous taisions, du silence de siècles de patriarcat et de domination - et sans doute avions-nous tout aussi envie que la statuette de nous mettre à danser au son des crotales - Ces danses magnifiaient Cybèle, déesse de la fertilité et de la nature sauvage, dont les grands prêtres curieusement étaient eunuques - Comme dirait l'un de nos députés européens (un homme, bien sûr ...): "On peut souhaiter l'égalité de la représentation, au nom de l'égalité parce que l'inégalité homme-femmes comme représentation est injustifiable, la trace d'une oppression plus générale qu'il faut traquer."   http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/10448/3-hommes-gagnent-le-prix-de-l-egalite-2007

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