Valérie Lemaitre

  • Audiovisuel / Spectacle vivant / Son

Kontainer Kats

Angel, J.Peel, Stick et Hart, quatre femmes reconverties en gansters se retrouvent dans une planque après un hold-up de diamants dans une des plus grosses banques de la ville. Le coup qui fera d’elles des nouvelles femmes pour une nouvelle vie se transforme en massacre. Une des braqueuse, Iron, le « boss » du clan y a laissé sa vie. C’est la débandade. Hart s’en sort comme elle peut et prend un otage, Sally, une femme enceinte qui se trouvait sur son chemin et qu’elle ramène dans la planque. Les « cailloux » quant à eux sont sains et saufs. Ils vont devenir l’enjeu de nombreuses convoitises. Le temps est précieux et les tensions sont vives : les règlements de comptes, les malentendus, la méconnaissance de l’autre, les remises en question, l’adrénaline, les « coups de mou », deviennent le cœur de ce huit clos inspiré de la situation de départ du film « Reservoir Dogs » de Tarantino.

Fiche

Année
1997

Extrait

Générique musical. Cris de chats. Une espèce de hangar. Des murs pas très nets qui se fondent avec l’obscurité. Une femme, J.Pell, entre, très décontractée, une valise à la main attachée par des menottes. Elle porte un walkman sur les oreilles. Elle est très distinguée dans son costume deux-pièces, et son allure ressemble à celle de Jhon Travolta dans « Pulp Fiction », les cheveux en moins. Elle s’allume une cigarette. Entre une deuxième femme, Angel, même allure, les cheveux en plus. Elle dégaine et met J.Peel en joue. Tant que la première femme gardera son walkman sur les oreilles, la musique sera présente. Angel : Donne-moi la malette ! J.Peel ne bouge pas, perdue dans sa contemplation musicale. Angel : Donne-moi cette putain de mallette ! Après un moment de réflexion, Angel s’approche à pas de loup de J.Peel. Celle-ci dégaine immédiatement. Temps. Observation. Malaise . Détermination. Angel : Donne-moi la mallette. J.Peel : Qu’est-ce que tu dis ? Angel (suppliante) : Donne-moi la mallette J.Peel : Quoi ? J.Peel enlève son Walkman. La musique se coupe. Angel (entre ses dents) : Donne-moi cette putain de mallette ! J.Peel : Viens la chercher ma grande. Angel : M’appelle pas comme ça, j’ai un nom comme tout le monde. J.Peel : Grosse touffe ? Angel : Quoi ? Donne-moi cette fucking fucking mallette ou je t’explose la tronche et ton petit crâne de fesses. J.Peel : De si jolis mots dans une si jolie bouche. Je te donne la mallette si tu me traduis tout ça en français. Il va falloir que tu réfléchisses bien sûr. Ca demandera du temps. Angel : Tu me cherches là, je vois bien que tu me cherches. Entre une troisième femme, Stick. Même allure, avec des lunettes. Elle a l’air mal en point. Elle dégaine deux armes qu’elle pointe maladroitement sur les deux autres femmes. Angel et J.Peel réagissent et sortent chacune une autre arme qu’elle pointe sur Stick. J.Peel : C’est gentil de venir nous voir pour cette petite fête. J’imagine que tu veux aussi la mallette… Stick : Pardon ?… J.Peel (elle crie): J’imagine que tu veux aussi la mallette ! Stick : Mais pas du tout. Angel lui colle son arme sur la tempe. Angel : C’est pas de la gnognote tu sais. Superbe attaché-case. High Classe. Tu es sûre que tu la veux pas ? Stick : Je…Je ne sais pas… J.Peel : Elle ne sait pas. Qu’elle est mignonne, tu trouves pas ? Comment tu tappelles ?…Quel âge tu as ?…Où sont tes parents ? qu’est-ce que tu vas nous chanter comme chanson ? Angel : Moi j’en connais une mais je ne sais pas si j’oserais. J.Peel : Oh tu sais, une fois que tu t’es lancée, ça roule tout seul. J’en connaissais une…Comment ça va encore ?…Avec des histoires de trous dans le ciel… J.Peel chantonne tout en essayant de retrouver les paroles. Angel : Wouah c’est drôle… Je la connais aussi. J.Peel : Tu me déconcentres putain ! Merde ! Comment ca va… mmm ça c’est l’air…Les paroles alors c’est…Oui c’est ça c’est ça… (elle chante) « Si tu vas au ciel Si tu vas au ciel, Bien avant moi, Bien avant moi Fais un p’tit trou Fais un p’tit trou Que j’passe par là Que j’passe par là…. » Angel et J.Peel reprennent en chœur. Stick s’introduit timidement dans la chanson. Angel et J.Peel s’arrêtent brusquement et la regardent. Angel : Tu chantes comme une fesse. J.Peel : Qu’est-ce que tu fous si c’est pas pour la mallette ? Tu es venue nous rendre une petite visite de courtoisie ? Ou te receuillir dans ce coin puant en écoutant pousser tes jambes. Angel : Fucking drôle ça. Tu me tues. J.Peel : Quand tu veux. Maintenant ou tout de suite ? Angel : Tu me cherches là , je vois bien que tu me cherches ! J.Peel ( à Stick) : Je t’ai posé une question la bigleuse. Stick : J’avais un rendez-vous…un rendez-vous…avec vous… Angel (chantant) : J’avais un rendez-vous… J.Peel (même jeu) : …Rendez-vous avec vous… Rires. Les rames sont rengainées. Stick éclate en sanglots. J.Peel : Du calme Stick, c’était pour rigoler. Stick : Je suis là pour vous donner un coup de main, pour réléchir, pour poser les bonnes questions, pour analyser les situations… J.Peel : Poil aux nichons. Stick : J’en peux plus de vos jeux à la con, je suis faite pour penser moi, pas pour dégainer. Angel : Merde, c’est vrai. Qu’est-ce qu’on a fait comme connerie… J.Peel (montrant la mallette) : Hé Angel, les cailloux c’est aussi des « conneries » ? Stick : Qui a pensé au verrouilage central, au système D 322, au minutage super précis, aux distances, aux camouflages, aux grilles, à l’électronique, parce qu’il faut de bonnes notions d’électronique par dessus le marché, aux empreintes, à l’entrée, à la sortie, au gardien, aux chiens, à la poussière, aux conditions climatiques, à l’état du terrain, à ma mère…Merde ! Vous voyez pas que j’ai peur ? J.Peel : C’est ça , c’est ça, parles-en à qui tu veux et tu m’en touches un mot à l’occasion. Angel : Un peu de cœur J.Peel , tu ne vois pas que cette petite se tape une dépression ? Temps. J.Peel s’approche de Stick. J.Peel : Qu’est-ce que t’as foutu avec la bagnole ? Pourquoi t’étais pas là ? Stick : J’ai entendu des coups de pétards…J’ai attendu, un peu…Je voyais personne alors… J.Peel : Alors ? Stick : Je me suis pincée pour voir si je rêvais pas, tout se passait super bien et je me voyais déjà à Honolulu en train de siffler un gin-fizz, et tout à coup, j’ai compris que ça mitraillait en’dans, alors…alors j’ai pété les plombs. Une trouille de dieu l’père m’a ravagé les neurones…(elle pleure presque)…Je sais que vous allez me savonner, mais je vous dis que la vérité vraie, je ne suis pas blindée comme vous pour ce genre de boulot, je suis qu’une petite encodeuse minable, j’ai jamais été une héroïne, juste un peu de trafic dans les temps morts… (elle s’arrête) Qu’est-ce que vous regardez ? J.Peel : Ton pif. J’ai jamais vu un nez comme le tien. Y doit être classé, c’est pas possible. Pas vrai Angel ? Angel : Un fucking garage à crottes. (elle rit toute seule) J.Peel : En français Angel ! Y a que ça que je saisis. Faut que je te le rentre comment dans ta petite tête à poil ? Angel (saisissant le nez de Stick): Tu me cherches là… Stick : Aïe… Mon nez merde ! Angel : Ta gueule ! J.Peel : Ca je comprends Angel, tu vois quand tu veux.(puis à Stick) Continue la branleuse. Stick : J’ai cru que vous passiez de l’autre côté, dans le poullailler…Aïe ! J’ai attendu un peu …un petit peu quoi…Aïe ! Je .. je me suis dit…si tu tiens encore à tes fesses…barre-toi…Sinon t’es bonne pour la cueillette…Aïe ! Angel : Et quand je me suis rappliquée à la bagnole, plus de Stick. Rien que le pavé tout nu. Ce tas c’était tiré. Alors j’ai mis la sixième vitesse et je me suis dit que cette salope elle m’avait foutu dans un beau merdier. J’ai arrêté une bagnole et sa bourgeoise qui passait dans l’coin, j’l’ai sortie par la peau des fesses, elle couinait comme un orchestre de truies, puis j’me suis taillée sans demander pardon. Stick : On est vraiment dans la merde bordel !On est dans un solide merdier !Mais qu’est-ce que c’était ces coups de pétards ? Et Hart ? Et Iron ? Vous les avez vues ? …On est vraiment dans une merde en trois dimensions… J.Peel : Elle a tout compris Einstein. (elle sort son flingue et vise Stick à plusieurs endroits) Hop, hop hop, hop,hop. Qu’est-ce qu’on s’amuse,pas vrai Stick ? Depuis le début j’attendais que tu te plantes. J’ai toujours su que t’allais virer ta cuti au dernier moment. C’est toi qui est dans le merdier Stick, parce que moi les punaises je les écrase, je préfère les canner avant qu’elles fassent des p’tits…Je ne sais pas…C’est plus fort que moi…comme une démangeaison. On entend le bruit d’une porte qui claque et des petits couinements qui deviennent de plus en plus stridents. Elles se figent. Angel se glisse vers l’entrée, tandis que J.Peel vise toujours Stick. J.Peel : Ce n’est que partie remise, Stick. Une femme déboule sur le plateau en criant. Elle est échevelée et semble avoir subi une terrible tension. Son corps rond est dissmulé sous une robe large agrémentée d’un petit col blanc. La femme(parlant à quelqu’un qui se trouve derrière elle) : Vous êtes d’une brutalité et d’une grossièrté ! Je ne vous ai strictement rien fait, je ne vois pas pourquoi vous êtes si méchante avec moi. Vous êtes une femme… Non ? On pourrait se comprendre, mon dieu, pourquoi moi ? Il y en avait d’autres pourtant, beaucoup plus jolie, beaucoup plus riches…Tenez prenez ce que j’ai…Tout. Elle fouille dans son sac à main. Soudain elle se fige, se sentant observée. Elle se retourne et aperçoit les trois autres qui la fixent. La femme : Je ne suis pas toute seule, je suis sauvée !Aidez-moi, je vous en supplie. Cette femme est dangereuse, elle m’a frappée. Au secours ! Bruit de la porte d’entrée qui se ferme. Les trois femmes dégainent leurs armes et visent la femme qui se met à crier tout son saoûl, complètement hystérique. Longtemps. Les trois autres se regardent, ne sachant pas quoi faire. Une cinquième femme apparaît sur le plateau, c’est Hart, même allure que les autres, les yeux bridés en plus. Hart a les bras nus, un tatouage lui enserre le cou et quatre griffes sont marquées sur sa joue. Elle se glisse derrière la femme qui crie et lui saisit le cou d’un mouvement net et silencieux. La femme s’arrête net, ferme les yeux et tombe sur le sol. Angel (affectueuse): Hart ! J’te croyais en train de faire la causette aux poulets !Quand je suis sortie de cette putain de banque, ça canardait encore, et t’es là avec ta p’tite tronche de lemon. Pour ton premier coup avec nous, tu t’surpasses !T’es passée à travers la passoire comme une pro. J’savais que tu m’épaterais. Pas vrai qu’elle est épatante J.PeelN ? J.Peel : Citron, Angel, pas lemon. Angel : Et c’est tout ce que ça te fait ? J.Peel (à Hart) : Où est Iron ? Stick : C’est vrai ça, où est Iron ? Temps. Hart : Là où elle ne devra plus se battre. Angel : C’est une devinette ? C’est quoi cette phrase à la mort moi le nœud ? On te demande où est Iron. Hart, par un geste, fait comprendre aux autres qu’elle est morte. Réaction de J.Peel, visiblement touchée. Angel : Ce qu’elle peut me les casser quand elle se prend pour Bruce-Lee ! Stick : Iron a canné. C’est la merde. La putain de merde. Celle qui colle à la pompe à rayures. Celle que tu reçois en pleine gueule quand tu mets ta tête en-dessous du cul d’un cheval. Elles la regardent toutes. Stick : Ben quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? J.Peel (méprisante) : T’es vraiment dégueulasse Stick. Une spécialiste de la merde. Stick : Mais on est vraiment dans la merde ! J.Peel ( très tendue) : Tu veux pas répéter ? J’ai pas compris . Angel (qui vient de comprendre) : Iron est morte ? Iron est morte ? J’veux pas l’croire… J’vais tous les trouer ces bâtard qui font la loi at qui se prennent pour Rambo ! Depuis que j’suis gosse y me sucent al raie et font l’vide autour de moi ! (aux bords des larmes) Iron c’était le boss…mais c’était aussi la marraine de mon gosse… Temps. J.Peel (vraiment émue) : C’est beau ce que tu dit Angel. (temps). Mais ça ne la fera pas revenir. Angel (très émue aussi) : Je sais J.Peel, je sais. Mais pourquoi elle ? Pourquoi elle ? Pourquoi pas Stick ? Ou Hart ? Ou moi ? Ou même toi J.Peel ? J.Peel : Question de bol. Hart : Grande loterie. J.Peel (montrant la femme parterre) : Et elle, c’est quoi ? C’est le gros lot ? Angel : C’est vrai ça, c’est quoi cette baleine ? Hart : Je suis passée avec la baleine. Cadeau du ciel. Stick : Et ça c’est la super merde au-dessus du gâteau. J.Peel : Quel gâteau ? Avec quoi tu viens, FISCHSTICK ? Angel(encore dans les pleurs, elle rit) : Fucking drôle ça, j’la retiens. Stick : C’est ça, riez, riez. En attendant, ce tas il est là et bien là. Alors qu’est-ce qu’on fait ?On la tue ? Ou on la laisse moisir là et on se casse ? Chacun de notre côté, ni vu ni connu. Après s’être gentiment partagé les cailloux ? …Hein ?…Hein ?…Hein ? Puisqu’Iron s’est fait buter, je propose de reprendre la situation en mains. J.Peel : Tu vas rien toucher du tout Fischstick, t’as les mains beaucoup trop sales. Stick : Ok, ok. Tu proposes quoi la félée ? J.Peel (souriante) : De te faire ta fête. On entend un gémissement. La femme étendue au sol se réveille. La femme : Ma tête…J’ai mal aux yeux…Je me sens toute molle. (elle aperçoit les autres dans un brouillard) Des ombres toutes noires virevoltent autour de moi…(elle émet un petit cri en se tenant le ventre) Aïe…Ca bouge là-dedans…(puis reprenant un peu ses esprits, paniquée)…Mon bébé…Mon petit Balthazar…Pourquoi je suis à terre moi ? Il a horreur du froid… J.Peel : Très touchant la baleine attend des petits.