Yann Bonnin

  • Écrit / Son / Audiovisuel / Multimedia

Djihad Blues

Suite aux attentats de Paris, Arantxa Alvarez Perez (1984-.), journaliste madrilène, se rend à Bruxelles, dans la commune de Molenbeek, et infiltre un groupe de jeunes filles radicalisées. Elles sont engagées, elles sont musulmanes et elles sont féministes. L’une d’elle, Khadija, fascine la la journaliste, et devient son intime. Le récit est traversé par la question de la légitimité de la violence, même dans le cas du terrorisme. Alvarez Perez quitte volontiers le terrain de “la neutralité journalistique”, sans verser dans le “gonzo-journalisme”. Elle raconte sa fascination et son amour pour Khadija, qui devient son amie. 

Servi par le très beau dessin (en particulier, les paysages urbains bruxellois) de Johan Englebert, le lecteur est emporté dans les discussions politiques entre les deux femmes : À quelles conditions la violence est-elle légitime ou nécessaire ? Et le terrorisme ? L’ETA espagnole, l’IRA irlandaise, l’OLP palestinienne, le terrorisme sioniste de 1920 à 1948, la résistance durant l’occupation allemande entre 1940 et 1944... ont-ils étés efficaces ? Pouvait-on les éviter ? Gandhi est-il le modèle à suivre, opérant, transposable, souhaitable? (On apprend au fil des pages l’ambiguïté de ce héros non-violent, raciste et ségrégationniste en Afrique du Sud, habile politicien en Inde.) L’Occidental est-il devenu docile au point de ne plus voir l’oppression, celle qu’il inflige par sa domination, celle qu’il subit dans un système en crise aux élites corrompues ? Comment transformer le monde, bouleverser les rapports de force et d’oppression ? Jusqu’où un peuple peut-il accepter de subir ?

Et si les féministes islamistes avaient quelquefois raison ? Si elles avaient avec nous des ennemis ou des combats communs ? Devrait-on les soutenir, comme certaine grande puissance a soutenu ou soutient encore Al Qaeda ou l’Etat islamique ? Où est le camp du Bien ?

Fiche

Visuel
Année
2017
Co-auteur.trice(s)
William Henne

Extrait

« En me lançant dans ce reportage, j’étais loin d’imaginer où j’allais mettre les pieds, et les cas de conscience qui allaient me  submerger. Je devais m’infiltrer dans des groupes d’activistes musulmanes. Des féministes. Une contradiction apparente, deux thèmes très médiatiques qui ne devaient pas manquer d’intéresser mes éditeurs. Quand il s’agit de musulmans, on ne dit pas “activiste”, mais “djihadiste”. Le djihad, selon le sens qu’on lui donne, est un combat spirituel que le croyant mène contre lui-même, un combat que le croyant mène contre l’infidèle ou encore contre ce qui menacerait sa foi. Les compagnes de lutte que j’allais rencontrer répondent à toutes ces définitions. »