L'ENFANT NUCLEAIRE (PICA MORFAL BOY)

« Depuis son plus jeune âge, Jiminy Waterson a un don : un estomac à toute épreuve, capable de dissoudre de ses sucs gastriques particulièrement puissants tout ce qui n’est pas comestible. On veut faire de lui un rat de laboratoire, mais son ami Alex l’encourage à utiliser ce don sous la forme d’un show, et l’entraîne dans une tournée à travers les États-Unis. Ainsi, au détour d’un prêt-à-manger planté au bord d’une route de Virginie, Jiminy devient-il L’Homme au Ventre Magique. Mais quel est donc le rapport avec ce complot politique qui se trame autour d’un détournement de déchets nucléaires ? Ou avec ce prisonnier dans le couloir de la mort, dont on organise secrètement l’évasion ? Ou encore avec ce flic qui n’a plus qu’une seule idée en tête : se débarrasser de sa femme ? Un seul dénominateur commun : la folie humaine... » Après « Blood Bar », voici venir « L’Enfant Nucléaire ». Avec son nouveau roman, Daph Nobody nous entraîne dans un conte fantastique à l’arrière-goût de polar, le tout sur fond de thriller politique, abordant des sujets (le nucléaire, la montée de l’extrême-droite...) qui sont plus que jamais d’actualité en ce 21ème siècle.

Fiche

Visuel
Année
2012
Édition
Editions Sarbacane
Distribution
Flammarion

Extrait

Le terrain vague n’avait de vagues que ces rafales sporadiques qui soulevaient la terre en nuées d’aiguilles vous piquetant comme de la bruine. Le sable vous pénétrait les yeux, rendant le paysage trouble comme une photographie dont on a mal réglé le point.
Devenu zone de non-droit pour les hommes, l’endroit grouillait de chiens qui y avaient bâti leur royaume d’os et de phéromones, dont le nombre ne cessait de croître, et qui par conséquent délimitaient de leurs jets malodorants des espaces de plus en plus réduits, comme des places de stationnement qui, d’abord conçues pour des limousines, auraient été peu à peu réaménagées pour des Daihatsu Trevis.
(...)
Ces chiens avaient amalgamé leurs gènes, pour donner naissance à des spécimens de race indéfinie, multipliant les tailles, les formes, les colorations et les traits distinctifs, combinant les spécificités dans des assemblages inédits, qui les rendaient aussi effrayants qu’attirants aux yeux des collectionneurs. Mais peu osaient s’approcher. Ce cirque à l’air libre était une vaste cage ouverte.
Faute de fouet, les cabots s’improvisaient dompteurs. Ils étaient une cinquantaine à cohabiter sur ce terrain de dix ares, et, les années passant, à l’instar de deux peuples s’unissant pour lutter contre un ennemi commun, ils avaient fait abstraction de leur protectionnisme voméro-nasal pour ne plus former qu’un clan, soudé contre l’humain qui, pour la plupart d’entre eux, avait été à l’origine de leur présence en ce lieu de perdition, soit par abandon, soit par maltraitance. Tous avaient développé cet instinct de défiance et d’antipathie envers l’homme, et les bipèdes qui s’aventureraient sur ce terrain pour le récupérer à leur usage auraient intérêt à se pointer avec un arsenal de guerre.
C’était ici que Jiminy se sentait le mieux. Les chiens devinaient qu’il était différent des autres créatures de son espèce, qu’il était lui aussi une sorte de chien rejeté par les siens, dé-laissé. Pour parachever leur parenté, il avait adopté des attitudes et habitudes proches des leurs. Il lui arrivait de montrer les dents et de grogner, de s’ébrouer, de se nettoyer les mains et les bras en se léchant. Il les émulait, et cela les mettait en confiance, les amenait à reconsidérer leur vision de l’homme. Il fut d’abord admis comme un étranger acceptable. De longs mois après seulement, comme un de leurs semblables...